Il arrive parfois que l'actualité me remette mes vieux péchés sur le nez. Aussi bien m'en confesser, même si c'est un peu tard.

LE BONNET - Lors des élections municipales françaises, il y a quelques semaines, je regardais à TV5 un bulletin d'information où l'on voyait un groupe de politiciens en visite dans une fromagerie... tous coiffés d'un bonnet de plastique. Personne ne les a ridiculisés, tous les Français trouvaient cela parfaitement normal.

J'ai repensé à Gilles Duceppe, dont on s'est tant moqué lorsque, engagé dans une campagne électorale mal amorcée, il s'était coiffé d'un bonnet exactement semblable en visitant une fromagerie. N'en a-t-on pas assez ri! L'a-t-on assez vu en caricature, l'oeil rond et la tête recouverte de son bonnet de douche!

En fait, je n'ai pas moi-même participé au concert. Étant très portée sur l'hygiène, je m'étais dit que M. Duceppe avait bien raison de s'être plié à la règle en vigueur dans tous les ateliers où l'on manipule des aliments. S'il ne l'avait pas fait, on l'aurait accusé de négliger les précautions élémentaires. Mais j'assume les péchés de ma profession, d'autant plus que si je m'étais abstenue de le critiquer là-dessus, je ne l'ai pas défendu non plus. L'actualité roulait, je ne suis pas revenue sur le sujet.

Durant cette campagne, tout allait mal pour M. Duceppe. Son autocar s'était perdu, et puis voilà que le chef, au dire de la meute, faisait un fou de lui. Si sa campagne avait eu le vent dans les voiles, peut-être la presse ne se serait-elle pas acharnée sur l'affaire du bonnet.

Plusieurs scribes, à l'époque, avaient reproché aux organisateurs du Bloc de l'avoir emmené dans une fromagerie. Mais pourquoi diable un politicien québécois devrait-il s'abstenir de rendre hommage, par sa présence, à la dynamique industrie fromagère du Québec? Les politiciens vont bien dans des usines et sur des chantiers où ils doivent porter un casque de sécurité, et personne ne trouve que c'est sujet à moquerie. En quoi un bonnet serait-il plus ridicule qu'un casque? Je crois le deviner.

Un casque de sécurité, c'est dur, c'est lourd, c'est un signe qu'on est prêt à recevoir une poutre sur la tête, bref c'est viril. Un bonnet de plastique, c'est mou, c'est léger, cela concerne des petites choses invisibles comme les bactéries, bref c'est féminin. Il n'y a que les femmes qui en portent un quand elles prennent leur douche.

LE CHIFFON ROUGE - Il y a quelques années, Bernard Landry, alors premier ministre, avait accusé le fédéral d'agiter des «chiffons rouges» pour provoquer son gouvernement. Tous les commentateurs, incluant votre humble servante, lui étaient tombés dessus en l'accusant d'avoir traité l'unifolié de «chiffon rouge». Un peu plus et il s'essuyait les pieds dessus, comme naguère les vieilles orangistes ontariennes sur le fleurdelisé!

M. Landry avait tenté d'expliquer que loin de désigner un drapeau, cette expression venait du vocabulaire de la tauromachie, mais devant la levée de boucliers qui continuait, il avait renoncé.

Depuis, il m'est arrivé je ne sais combien de fois de remarquer cette expression sous la plume d'auteurs français qui, bien évidemment, ne parlaient pas de l'unifolié. Même des journalistes québécois utilisent maintenant cette expression, dans le sens d'un geste de provocation - comme, dans une corrida, l'on brandit des chiffons rouges pour exciter le taureau.

Je suis sûre que j'avais déjà lu cette expression bien avant la déclaration de M. Landry, sans y prêter attention. Mais depuis la déclaration mal interprétée de l'ancien premier ministre, j'éprouve toujours un petit sentiment de culpabilité quand elle me tombe sous les yeux.

Sont-ce les seuls péchés professionnels dont je me sente coupable? Oh que non! Mais n'étant pas masochiste, vous me permettrez de ne pas m'autoflageller en évoquant chaque erreur de fait ou d'interprétation dont je me suis rendue coupable au fil de ma longue carrière!

Plutôt que de battre ma coulpe, je préfère vous souhaiter, cher lecteur, un excellent été. Quant à moi, je vous dis au revoir pour quelques semaines. Retour début septembre.