Le poète chanteur Richard Desjardins, qui a grandi en Abitibi tout à côté des Algonquins, avoue au début du film Le peuple invisible qu'il a fait avec Robert Monderie qu'il ne les connaissait pas avant de leur consacrer un film.

Radio-Canada nous présente ce soir à 20 h ce très beau document qui raconte toutes les exactions subies par ces Indiens qui ne sont plus que 9000 au Québec.Malheureusement, c'est ce soir que le Canadien risque de battre les Bruins de Boston. Malheureusement pour les Algonquins, s'entend. Leur histoire racontée en deux heures risque de les laisser presque aussi invisibles qu'avant.

Mauvais soir.

Dans son film, Richard Desjardins remonte jusqu'à l'arrivée des Pères Oblats chez nous, financés par la Hudson Bay Company pour inculquer la peur de l'enfer aux «sauvages».

En 1875, une loi fédérale les rendait inférieurs aux Blancs. Leur immense territoire - ils l'occupaient depuis 5000 ans - s'est rétréci au gré de la convoitise des Blancs. On les parquera sur les réserves où ils sont traités comme des enfants.

Peu à peu, les nomades verront leurs forêts disparaître et les mines s'ouvrir tout autour d'eux. On construira des centrales électriques sur leurs rivières. Pas pour leur donner l'électricité, mais pour faire fonctionner les usines autour. Encore aujourd'hui, ils doivent se fier à leurs génératrices, même si le barrage est situé à quelques centaines de mètres de leurs maisons.

Les barrages inondent aussi leurs territoires de chasse et la pitoune envahit leurs rivières. Lors de la construction de la route Mont-Laurier-Val-d'Or en 1939, on a interdit aux Indiens de chasser à moins de 15 km de la route. Protester devant les tribunaux? Les avocats risquaient des amendes s'ils prenaient leur défense.

Aujourd'hui, un enfant algonquin sur deux a tenté de se suicider. Pendant des années, on a envoyé les petits Algonquins dans des pensionnats tenus par des religieux où ils ne revoyaient pas leurs parents pendant 10 mois. Ils ont été agressés sexuellement, battus et méprisés.

Ils ont appris le français et leurs prières, bien sûr, mais ils ont été déconnectés de leur passé. Aujourd'hui, dans certains villages, 85 % de la population vit de l'aide sociale. Problèmes de drogue, d'alcool et de violence.

Vous les entendrez témoigner. Sans colère, mais avec amertume. De ces années passées dans les pensionnats à se faire agresser. Des rêves de certains dans des villes comme Maniwaki, de s'associer aux Blancs pour partir en affaires. «Mais il y a tellement de méfiance», dira un des leaders autochtones.

Les colonisateurs les ont roulés et infantilisés. Mais bien des Indiens sont conscients et disent que le système des conseils de bande où les chefs sont là jusqu'à la mort, où les femmes n'ont pas voix au chapitre, a besoin d'être repensé. Mais comme ils n'ont jamais décidé de leur sort collectif, un saut dans l'inconnu les effraie. Leur violence est tournée vers eux-mêmes, dit le narrateur.

À la fin du film, un vieux sage exprimera tout son désarroi. Nous nous sommes nui à nous-mêmes, mais ils nous ont volé la nature.

Richard Desjardins affirme que la Charte canadienne des droits et libertés ne s'applique pas aux autochtones. Tout est là.