Après avoir consacré de longues années à réaliser son plan de restructuration et à peaufiner sa stratégie visant à établir les bases durables de sa rentabilité, Air Canada est de retour sur le marché des acquisitions, comme en témoigne sa volonté d’absorber le groupe Transat tout juste après avoir effectué, l’an dernier, celle d’Aeroplan — des transactions à prix d’aubaine, faut-il préciser.

Deux semaines après avoir dévoilé qu’elle suscitait la convoitise d’acquéreurs potentiels, Transat a confirmé hier qu’elle s’était engagée dans des pourparlers exclusifs avec un seul prétendant, soit Air Canada, qui offre de payer 520 millions pour faire l’acquisition de toutes les actions du voyagiste et transporteur aérien montréalais.

Tout le monde se doutait bien qu’Air Canada était sur la courte liste des entreprises intéressées par les activités de Transat, malgré les risques que le regroupement des deux sociétés aériennes réduise de façon trop importante la concurrence minimale à laquelle les voyageurs sont en droit de s’attendre.

Une chose est sûre, Jean-Marc Eustache, le PDG de Transat, s’est montré très satisfait hier de l’offre qu’a formulée Air Canada, puisqu’il l’a qualifiée de bonne nouvelle pour Transat.

Et pour bien témoigner de ce contentement, l’entreprise a précisé dans un communiqué que le prix offert par Air Canada, de 13 $ par action, représentait une prime de 148,5 % sur le cours moyen des actions précédant l’annonce faite le 30 avril dernier lorsque Transat a dévoilé qu’elle était engagée dans un processus d’évaluation d’offres d’achat possibles.

Il est vrai que la veille du 30 avril, la valorisation boursière totale de Transat ne s’élevait qu’à 215 millions, bien loin des 520 millions qu’offre aujourd’hui de payer Air Canada.

Pourtant, en offrant de débourser 520 millions pour acquérir Transat, Air Canada espère réaliser une transaction à prix d’aubaine.

On le sait, Transat a accumulé un trésor de guerre pour réaliser son projet de développement hôtelier au Mexique, quelque 620 millions en trésorerie et équivalents de trésorerie, indiquent les états financiers de l’entreprise, en date du 31 janvier 2019.

L’analyste financier Benoit Poirier, de Desjardins Marchés des capitaux, a récemment évalué que la valeur comptable de l’action de Transat devrait davantage se rapprocher des 16 $ si on tenait pleinement compte de la valeur de ses différentes composantes.

Ainsi, en additionnant les liquidités immédiatement disponibles (estimées à près de 500 millions par l’analyste), à la valeur des terrains nouvellement acquis au Mexique (75 millions) et à celle des activités de voyagistes de Transat (estimées à 64 millions, selon l’analyste), la valeur au livre de Transat est plus près de 640 millions que les 520 millions offerts par Air Canada.

Un bon coup pour Air Canada

Manifestement, donc, Air Canada réalisera un bon coup si son offre tient la route et passe à travers les mailles du filet du Bureau de la concurrence. À cet égard, il serait surprenant qu’Air Canada ait fait une offre comme celle d’hier sans avoir au préalable obtenu les garanties que la transaction ne poserait pas de problèmes insurmontables.

On voit par ailleurs difficilement comment un investisseur externe de l’immobilier ou des communications — qui n’est donc pas du secteur du transport aérien — déciderait de surenchérir à l’offre pourtant minimaliste d’Air Canada. Comment pourraient-ils redresser une entreprise dans un secteur aussi complexe ?

Depuis des années, Transat peine à générer une rentabilité soutenue de ses activités, et c’est la raison pour laquelle l’entreprise a pris le virage du développement hôtelier.

Air Canada mettra fin à ce projet de construction de nouveaux hôtels pour récupérer les liquidités que Transat y a déjà engagées — en revendant les terrains achetés — et mettra la main sur les 500 millions de liquidités restantes.

Air Canada profitera aussi de la flotte d’Airbus que Transat est justement en train d’acquérir pour combler ses besoins, étant donné la suspension des livraisons de 737 MAX 8 et le maintien au sol des appareils qu’elle a déjà acquis.

Vacances Air Canada pourra fusionner ses activités de voyagiste à celles de Transat en ce qui a trait aux nombreuses destinations où les deux entreprises se font concurrence.

Si la transaction se réalise, ce sera une deuxième acquisition à bon prix en deux ans pour Air Canada. 

L’an dernier, l’ex-société d’État a racheté le programme Aeroplan, après avoir quasiment poussé à la faillite la maison-mère Aimia en annonçant qu’elle mettait fin à son partenariat pour lancer son propre programme de fidélisation.

En perdant son principal et quasi unique partenaire, la valeur d’Aimia a totalement fondu, et un an plus tard, Air Canada est revenue à la charge pour faire une offre et racheter Aeroplan, non sans un petit effort cependant.

Aimia a refusé une première offre à 250 millions, puis une deuxième à 325 millions a aussi été rejetée, et finalement, Air Canada et ses deux partenaires, la TD et la CIBC, ont allongé 450 millions pour clore la transaction, beaucoup moins cher que ne lui aurait coûté la mise sur pied d’un tout nouveau programme.

Une surenchère que ne connaîtront pas les actionnaires de Transat, puisque leur conseil d’administration a accepté l’offre d’Air Canada à 13 $ l’action.