La réputation de Montréal dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA) peut paraître parfois quelque peu démesurée, notamment lorsque les promoteurs économiques de la ville n’hésitent pas à désigner Montréal de leader mondial en la matière. La vérité, c’est que Montréal s’est vraiment taillé une réputation internationale enviable dans ce secteur de pointe et hautement stratégique.

Au cours des deux derniers jours, Montréal a été l’hôte du World Summit AI pour les Amériques, une rencontre internationale organisée par le groupe britannique Inspired Minds, qui a mis sur pied il y a trois ans une conférence mondiale annuelle sur l’IA à Amsterdam.

Fortement sollicité par des participants de partout dans le monde qui souhaitaient que l’organisation ajoute un volet américain à ses évènements annuels, le World Summit AI a donc choisi Montréal comme ville hôte de sa première conférence annuelle des Amériques ainsi que pour les trois prochaines éditions annuelles.

C’est donc quelque 1000 spécialistes de l’IA de 60 pays qui se sont entassés au cours des deux derniers jours dans les salles du Théâtre St-James pour assister à une soixantaine d’ateliers ayant pour thème central l’intelligence artificielle.

Chercheurs, universitaires, financiers, entrepreneurs et entreprises émergentes ont discuté ferme des grands enjeux liés à l’apprentissage profond avec un grand souci du développement éthique de ces nouveaux outils technologiques.

Je dois avouer que je trouvais étonnant que les organisateurs de ce forum international sur l’IA choisissent Montréal comme plaque tournante de leur plateforme pour desservir le vaste marché des Amériques.

Après tout, Montréal n’est pas une ville étiquetée comme étant très technologique et capable de rivaliser avec les hubs reconnus tels que San Francisco, Seattle, Austin, Boston, New York ou même Buenos Aires.

Montréal ne figure toujours pas dans le dernier classement international des 30 villes les plus technologiques de la planète que réalise chaque année la firme de consultant Savills. La seule ville canadienne qui y figure est Toronto, qui se classe au 11e rang mondial. Montréal est devancé par des villes comme Cape Town, Amsterdam, Tel-Aviv, Séoul, Dublin ou Copenhague.

Montréal a beau abriter l’un des plus prestigieux groupes de chercheurs en apprentissage profond dans le monde, le MILA et ses 300 chercheurs associés à l’Université McGill et à l’Université de Montréal, sous la direction du professeur renommé Yoshua Bengio, la métropole québécoise ne compte pas les armées de chercheurs, de développeurs et de start-up que l’on peut retrouver à Bangalore, en Inde, ou à Hangzhou, qui abrite le siège social de la multinationale chinoise Alibaba.

Une notoriété qui se construit

On a beaucoup écrit sur l’implantation récente à Montréal de laboratoires de recherche en IA de grands acteurs mondiaux tels que Microsoft, Amazon, Google, IBM, Samsung ou Thales, tout comme on souligne, avec raison, l’émergence de groupes montréalais tels qu’Element AI, Stradigi AI ou l’Institut de valorisation des données (IVADO).

Mais quand on compare les effectifs technologiques à l’échelle mondiale, Montréal arrive loin derrière de nombreuses villes dont l’empreinte technologique n’est tout simplement pas comparable.

Ainsi, la Cité électronique de Bangalore, en Inde – qui se classe au 29e rang des villes technos dans le monde –, abrite pas moins de 700 centres de recherche et développement de multinationales.

Selon un autre classement, celui-là réalisé il y a deux ans par la firme internationale 2thinknow, qui établit une liste des 25 villes les plus à la pointe en matière de nouvelles technologies, Montréal arrive à se classer au 21e rang, mais derrière Vancouver (15e) et Toronto (8e).

Comment Montréal a-t-il donc fait pour se bâtir une réputation aussi enviable dans le domaine de l’intelligence artificielle au point d’amener une conférence internationale à choisir d’y installer ses pénates pour les quatre prochaines années ?

« On a fait le tour de plusieurs endroits en Amérique du Nord. San Francisco, bien sûr, Seattle, le Texas. On a aussi visité Toronto, mais c’est Montréal qui se distingue entre toutes ces villes », m’explique Lucy Rothwell, directrice générale d’Inspired Minds, l’entreprise britannique qui organise depuis trois ans le World Summit AI.

« On a été impressionnés par l’écosystème unique de l’intelligence artificielle à Montréal. »

— Lucy Rothwell

« Évidemment, la renommée de Yoshua Bengio et sa vision éthique du développement de l’IA ont joué, mais c’est le milieu collaboratif que Montréal a réussi à créer entre les scientifiques, les universitaires et la communauté des affaires qui fait vraiment pencher la balance. Le buzz qu’il y a dans cette ville est incroyable », ajoute Lucy Rothwell.

La réception de ce premier sommet mondial des Amériques sur l’IA a été telle que l’évènement déménagera l’an prochain au Palais des congrès, où on attend la venue de plus de 2000 participants.

Le premier sommet mondial sur l’IA, qui s’est tenu à Amsterdam il y a trois ans, avait réuni 1000 participants. L’année suivante, ils étaient 2000, l’an dernier, 4500, et on attend 6000 participants au prochain sommet, à l’automne.

Montréal n’a peut-être pas des effectifs comparables à ceux d’autres grandes villes impliquées dans l’IA, mais la métropole a su acquérir une notoriété distinctive et cela a tout autant de valeur que la force brute du nombre.