COLO-D, une jeune entreprise fondée il y a seulement cinq ans et qui est devenue le plus grand fournisseur de centres de données au Canada, a été achetée hier par la société américaine Cologix dans le cadre d'une transaction de plusieurs centaines de millions.

Patrick David a créé COLO-D en 2013 en rachetant l'ancienne usine de 120 000 pieds carrés de Disque Améric à Drummondville pour la transformer en centre de données spécialisé dans l'hébergement infonuagique pour les grands acteurs de l'économie numérique tels qu'Amazon, Google, Microsoft, IBM, les grandes banques...

Il y a trois ans, COLO-D a racheté de Jean Coutu son ancien centre de distribution de 200 000 pieds carrés à Longueuil pour y ériger un deuxième centre de données. Jean Coutu, qui souhaitait avoir ses propres infrastructures informatiques, a décidé d'investir dans COLO-D.

« On est le plus gros joueur au Canada. On a une puissance installée de 50 mégawatts et on dessert les plus grands joueurs de l'internet pour leurs services de stockage infonuagique. On n'est pas un fournisseur de détail ; nous, on gère des centres de données "hyperscale" pour les entreprises de services infonuagiques », m'explique l'entrepreneur Patrick David.

Cologix une société américaine qui gère 27 sites d'interconnexions en Amérique du Nord, dont 7 à Montréal, s'est intéressée à COLO-D pour ses activités « hyperscale », une spécialité de services où elle n'était pas présente.

« En 2011, j'étais directeur général de Canix, un opérateur de centres de données à Montréal, et on s'est fait acheter par Cologix. J'ai fondé COLO-D et voilà que Cologix m'achète à nouveau », souligne le PDG.

Une expansion colossale

J'ai rencontré la semaine dernière Patrick David. C'était la première entrevue qu'il accordait à un journaliste et il m'a fait visiter le site de Longueuil hautement sécurisé.

L'ancien centre de distribution de Jean Coutu a été totalement transformé en une gigantesque infrastructure de services informatiques, avec d'immenses génératrices, des transformateurs et des salles remplies de serveurs.

« On a développé une expertise unique. Je passe mon temps sur la côte ouest américaine chez les géants de l'internet. Ils aiment nos infrastructures. »

- Patrick David, PDG de COLO-D

COLO-D emploie une soixantaine d'ingénieurs informatiques et des télécommunications dans ses deux sites. Un troisième campus verra le jour l'an prochain à Saint-Bruno-de-Montarville.

COLO-D a acheté un terrain de 22 acres sur le bord de l'autoroute 30, à côté de Bombardier Transport, et va entreprendre la construction l'an prochain de cinq bâtiments de 100 000 pieds carrés chacun pour répondre aux besoins de ses clients.

« On va investir 1 milliard au cours des cinq prochaines années. Le campus de Saint-Bruno va nous ajouter 150 mégawatts de puissance additionnelle. Cologix a confirmé qu'elle allait réaliser cette expansion », assure Patrick David.

Le prochain campus est situé tout juste à proximité de deux lignes de transmission haute tension de 315 000 volts d'Hydro-Québec.

Entreprise méconnue, COLO-D figure au dernier classement Technologie Fast 50 de Deloitte qui recense les 50 entreprises de technologie canadiennes qui affichent la plus forte progression des ventes.

COLO-D s'est classée au troisième rang au Canada, au premier rang au Québec et au onzième rang en Amérique du Nord, en ayant affiché une croissance de 10 942 % de ses ventes au cours des quatre dernières années.

Devant un tel succès, pourquoi vendre à une entreprise américaine ?

« On est fiers de ce qu'on a fait. C'est une réalisation québécoise qui est reconnue dans le monde. On a eu de multiples offres d'achat au cours des dernières années, on les a toutes refusées.

« Mais l'offre de Cologix a été convaincante. Cette entreprise appartient au fonds d'investissement Stonepeak, spécialisé dans les infrastructures. Ils reconnaissent notre importance stratégique dans cette nouvelle industrie. »

- Patrick David, PDG de COLO-D

« Et puis, on a dû consulter nos actionnaires. Il y a plusieurs membres de Québec inc. qui vont profiter financièrement de cette transaction », plaide Patrick David.

Les montants n'ont pas été dévoilés, mais on parle d'une transaction de plusieurs centaines de millions.

Mardi, Vidéotron a annoncé qu'elle vendait sa division 4Degrés Colocation, active dans les centres de données avec des installations à Québec et à Montréal, à la société américaine Vantage Data Centers pour la somme de 259 millions.

La valeur de COLO-D est nettement plus élevée que le prix obtenu par Vidéotron.

Le Fonds de solidarité FTQ est le principal actionnaire de COLO-D avec 23 % des actions, suivi par Metro (qui a hérité de la participation de Jean Coutu) qui possède 22 % de l'entreprise, de Patrick David qui en détient 15 % et de plusieurs investisseurs privés qui se partagent les actions restantes.

N'empêche, coup sur coup, en l'espace de deux jours, deux entreprises québécoises viennent d'être rachetées par deux sociétés américaines actives dans l'hébergement numérique, un secteur d'activités qui est pourtant en pleine expansion et où le Québec possède des avantages stratégiques, dont les coûts d'électricité, indéniables.