Les automobilistes qui, depuis quelques semaines, maugréent chaque fois qu'ils font le plein d'essence parce qu'ils jugent, non sans raison, qu'ils paient le gros prix pour abreuver leur monture ont intérêt à s'y faire. Dans le contexte actuel de fixation des prix à la pompe - et avec le prix du pétrole brut qui poursuit sa lente mais résolue progression -, il ne serait pas étonnant de voir bientôt le litre d'essence franchir la barre des 2,00 $.

Cette prévision peut sembler farfelue, mais elle pourrait pourtant se réaliser tellement on peine à comprendre les raisons qui justifient les récentes et soudaines hausses de prix à la pompe, dont celle qui a poussé jusqu'à 1,44 $ le prix du litre d'essence ordinaire la semaine dernière.

Un prix totalement injustifié par rapport au prix de revient de la matière première, puisque le baril de pétrole Brent de la mer du Nord se négociait tout juste au-dessus des 70 $US et que le pétrole West Texas Intermediate s'échangeait à plus de 65 $US, la semaine dernière.

Juste un petit rappel historique pour illustrer à quel point la relation entre le coût d'acquisition du pétrole brut et le prix demandé pour l'essence raffinée à la pompe ne tient plus dans l'équation actuelle de la fixation des prix.

Vendredi dernier, les automobilistes montréalais ont payé 1,44 $ le litre pour faire le plein, soit 4 cents de moins qu'il y a 10 ans, lorsque le baril de pétrole avait pourtant fracassé la marque record des 148 $US le baril, en juin 2008.

À l'époque, les automobilistes trouvaient excessif de payer 1,48 $ le litre d'essence, mais ils comprenaient bien que ces prix étaient directement liés à l'explosion des cours du pétrole brut.

Ce qui n'est toujours pas le cas présentement. Depuis que les prix du brut ont franchi le seuil des 60 $US, chaque fois qu'ils enregistrent le moindre soubresaut à la hausse, la majoration est aussitôt répercutée et amplifiée sur le prix de détail à la pompe.

De façon cyclique, on entend les gens de l'industrie qui tentent d'expliquer que les prix à la pompe sont touchés par les coûts de raffinage parce qu'on réalise des travaux d'entretien en vue du passage de l'essence d'hiver à l'essence d'été. Il y a moins de raffineries en activité, il y a donc un prétendu phénomène de rareté.

LE BARIL À 100 $US

Hier encore, les prix du pétrole ont clôturé à un sommet des trois dernières années et la tendance ne semble pas près de s'essouffler.

Outre les tensions géopolitiques qu'on évoque abondamment pour justifier la hausse des cours pétroliers, c'est surtout l'action concertée des pays membres de l'OPEP qui ont réduit, depuis janvier 2017, leur production de 1,8 million de barils par jour dans le but de faire pression sur l'offre disponible.

L'agence Reuters rapportait hier que l'Arabie saoudite était optimiste quant au fait de voir les prix du baril de pétrole franchir prochainement la marque des 80 $US et même d'atteindre la cible des 100 $US, à court terme.

L'OPEP a prévu poursuivre ses restrictions de production jusqu'en janvier prochain, mais ses responsables doivent se rencontrer en juin pour réévaluer leurs objectifs.

Mais la hausse récente et continue des cours pétroliers est un bon indicateur de l'efficacité de l'action concertée des pays de l'OPEP. Leur objectif était de réduire les réserves de pétrole des pays développés, et l'abondance de pétrole de schiste aux États-Unis n'a pas suffi, et de loin, à combler la réduction de la production mondiale.

C'est pourquoi il ne serait pas impossible que l'on soit obligé de faire le plein cet été avec des prix nettement hors normes. Si les pétrolières continuent de hausser leur prix comme elles le font à chaque hausse des prix du brut, on va pomper l'huile cet été quand on aura à faire le plein.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

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