À force de patience, Saputo vient de prendre la première position de la transformation laitière en Australie en complétant avec succès l'offre publique d'achat de 1,3 milliard qu'elle avait lancée sur l'entreprise Murray Goulburn. Une transaction qui vient renforcer le statut multinational de la société montréalaise.

Depuis qu'elle est devenue une société publique en 1997, Saputo a toujours affiché son intention de s'imposer comme un acteur d'envergure sur la scène internationale, une promesse que son PDG Lino Saputo réitère d'ailleurs à chaque assemblée annuelle de l'entreprise.

Après être devenu le principal transformateur laitier au Canada, Saputo s'est lancée à la conquête du marché américain et est aujourd'hui le deuxième producteur de fromages aux États-Unis, tout en ayant acquis le statut de troisième transformateur laitier d'importance en Argentine.

En 2014, Saputo a fait une première percée en Australie, un marché qu'elle reluquait depuis quelques années déjà, en réalisant l'acquisition de Warrnambool Cheese & Butter.

Incidemment, pour prendre le contrôle de Warrnambool Cheese & Butter, Saputo a dû se livrer à l'époque à une guerre de surenchère avec Murray Goulburn (MG) - le plus important transformateur laitier d'Australie -, qu'elle vient d'acquérir officiellement hier.

« Cette transaction, on la prépare depuis 2014. On a travaillé de façon sérieuse sur le marché laitier australien. On a fait le tour des régions et on a rencontré les producteurs laitiers qui ont voté massivement en faveur de notre offre. »

- Lino Saputo, PDG de Saputo

Si Saputo et MG étaient des concurrents directs il y a quatre ans, la situation s'est considérablement modifiée depuis puisque Saputo est devenue aujourd'hui le sauveur de cette coopérative laitière qui s'est retrouvée en détresse financière.

À son apogée, MG transformait 3,5 milliards de litres de lait par année. Mais l'entreprise était mal dirigée et a pris une série de mauvaises décisions d'investissements en infrastructures et lors du renouvellement de contrats d'approvisionnement, qui ont fait chuter à 1,9 milliard le nombre de litres qu'elle transforme aujourd'hui.

ACCEPTÉE À L'UNANIMITÉ

MG n'a eu d'autre choix que de se mettre en vente. Près d'une trentaine d'entreprises ont manifesté de l'intérêt, mais une quinzaine seulement ont poursuivi le processus jusqu'à la fin, dont Saputo, qui a remporté la mise haut la main.

Le conseil d'administration de MG a accepté l'offre de Saputo il y a cinq mois déjà, mais la transaction a été soumise à un examen du bureau australien de la concurrence, qui vient tout juste de statuer que le transformateur québécois doit se départir de l'une des 11 usines acquises de MG dans une région où son contrôle aurait été trop important.

« Les actionnaires de MG ont voté à 98 % en faveur de notre offre. Seuls les producteurs laitiers qui vendaient encore leur lait à la coopérative avaient droit de vote et ils nous ont fait massivement confiance », constate Lino Saputo.

Le PDG estime qu'il faudra trois ans à Saputo pour redonner à MG son lustre d'antan et ramener à 2,5 milliards le nombre de litres de lait transformés par année.

« On va vendre l'usine de Koroit, dans l'État de Victoria. Ce qui va nous priver de 300 millions de litres de lait transformés. Mais on va quand même atteindre notre objectif de 2,5 milliards de litres dans les trois prochaines années. »

- Lino Saputo.

À son dernier exercice financier, MG a généré des revenus de 2,5 milliards et des bénéfices d'opération ajustés de 78 millions seulement. Lino Saputo estime que MG participera à la rentabilité générale de Saputo dès sa première année d'opération.

Fait à souligner, Saputo hérite dans cette transaction d'une usine en Chine spécialisée dans la production de poudre de lait et de lait maternisé qui sont commercialisés sous les marques de commerce de leur maison mère australienne.

« Je suis vraiment confiant de voir nos volumes de lait transformé augmenter de façon importante. On a fait beaucoup de rencontres avec des producteurs laitiers en région qui avaient quitté MG mais qui souhaitent revenir dans la famille », souligne le PDG.

Saputo réalisait l'an dernier 50 % de ses revenus aux États-Unis, 35 % au Canada et 15 % en Argentine et en Australie. L'an prochain, l'Australie et l'Argentine représenteront 25 % des revenus du groupe, le Canada, 25 % et les États-Unis, toujours 50 %.

Photo Marco Campanozzi, Archives La Presse

Le PDG Lino Saputo estime que Murray Goulburn participera à la rentabilité générale de Saputo dès sa première année d'opération.