J'ai toujours été un ardent défenseur de Bombardier, la plus grosse entreprise industrielle, la plus innovante et celle qui génère le plus d'emplois manufacturiers au Québec. Mais comme tous les Québécois, j'ai été sidéré d'apprendre que l'entreprise - qui émerge laborieusement d'une crise qui a failli l'emporter - avait consenti une bonification de 50 % de la rémunération à ses six plus hauts dirigeants. Un non-sens.

L'indéfendable ne se défend pas et malgré les explications que Bombardier nous a servies mercredi pour justifier la majoration de la rémunération de ses six hauts dirigeants, je n'arrive toujours pas à comprendre comment le conseil d'administration de l'entreprise a pu sanctionner pareille décision.

Une décision qui ne fait que nourrir le cynisme que plusieurs entretiennent à l'égard de Bombardier et de sa propension à brûler l'argent des contribuables. Une décision qui ne fera qu'engraisser les préjugés négatifs que cultive systématiquement la presse financière torontoise à l'endroit de la multinationale montréalaise pour les mêmes raisons.

Une décision qui apparaît comme une insulte aux yeux des contribuables québécois qui ont participé activement au sauvetage financier de l'entreprise grâce à l'injection de 1 milliard US du gouvernement du Québec dans la C Series et de 1,5 milliard US de la Caisse de dépôt contre une participation de 30 % dans Bombardier Transport.

On le sait, depuis que le PDG Alain Bellemare l'a confirmé l'an dernier, Bombardier était, en 2015, sur le point de faire faillite en raison notamment des dépassements de coûts de sa C Series.

Sans l'intervention financière musclée de Québec et de la Caisse de dépôt - avec l'argent des contribuables québécois - Bombardier n'aurait jamais pu mettre en place le programme de redressement qui lui permet aujourd'hui d'entrevoir une sortie de crise prochaine.

En 2016, Bombardier a quand même vu ses revenus chuter de 10 % et a essuyé une perte nette de près de 1 milliard. L'entreprise a poursuivi son programme de licenciements massifs qui va se traduire par l'élimination de 14 500 postes d'ici la fin de la prochaine année.

DES OBJECTIFS VAPOREUX

Ce n'est évidemment pas pour souligner cette performance loin d'être stellaire que l'on a ainsi bonifié la rémunération des grands patrons de Bombardier.

Le conseil d'administration de la société a fixé des objectifs que les dirigeants ont atteints ou dépassés, notamment en améliorant les flux de liquidités de l'entreprise et en sécurisant le développement de la C Series.

L'atteinte de ces objectifs ne justifie pas pour autant la bonification qui a été accordée, compte tenu du contexte dans lequel les hauts dirigeants ont atteint leurs cibles, essentiellement grâce à l'aide financière massive dont ils ont bénéficié.

Le comité de rémunération du conseil d'administration de Bombardier aurait très bien pu et dû se garder une petite gêne et décaler dans le temps l'attribution de ces bonis à la performance.

Les comités de rémunération de la majorité des sociétés publiques ont d'ailleurs une forte propension à la complaisance lorsque vient le temps d'accorder des bonifications en servant toujours l'argument qu'ils doivent offrir une compensation financière compétitive à leurs dirigeants s'ils veulent les conserver.

On peut difficilement penser que Pierre Beaudoin, président exécutif du conseil de Bombardier, puisse quitter l'entreprise pour aller travailler chez Embraer parce qu'on aurait refusé de lui octroyer des options cette année.

Il a toujours travaillé pour Bombardier et il représente les intérêts de la famille Beaudoin-Bombardier. Son train de vie n'aurait pas été chamboulé s'il n'avait obtenu qu'une fraction de ses 4 millions de prime.

Alain Bellemare n'a pas accepté le poste de PDG de Bombardier comme s'il s'agissait d'un simple mandat passager. Son engagement à réaliser le redressement de l'entreprise est plein, entier et sincère.

Il aurait été en mesure d'attendre un peu avant d'obtenir les 7,1 millions de dollars en actions et options qui lui ont été attribuées.

Les dirigeants de Bombardier et son conseil d'administration n'ont pas été sensibles au fait que les contribuables québécois ont participé au sauvetage de l'entreprise et qu'ils en sont partenaires. Des actionnaires minoritaires qui vont applaudir à l'attribution de bonis lorsque Bombardier les aura enrichis eux aussi.