Pour stimuler une économie canadienne atone et qui ne donne aucun signe de redressement à court et moyen terme, le premier ministre Justin Trudeau est à la veille de réaliser un virage à 180 degrés par rapport aux positions et aux actions prises par son père, en 1974, lorsque ce dernier a créé dans un esprit de nationalisme économique l'Agence de tamisage des investissements étrangers.

Selon des fuites rendues publiques hier par le Globe and Mail, le gouvernement libéral va se faire livrer aujourd'hui à Ottawa une première fournée de recommandations de la part de son Conseil consultatif en matière de croissance économique.

Ce comité, composé de 14 personnalités - huit femmes et six hommes - issues du monde des affaires, de l'éducation supérieure et de l'investissement, a été mis sur pied en février dernier par le ministre des Finances Bill Morneau pour l'aider à trouver des moyens de redynamiser l'économie canadienne, qui en a bien besoin.

Le Conseil, présidé par Dominic Barton, directeur général mondial de la firme de consultants McKinsey et Co, a déjà accouché de quelques propositions que l'on pourrait qualifier d'audacieuses.

Le rapport du comité Barton est d'avis que l'économie canadienne a un besoin urgent de nouveaux travailleurs et qu'il faut donc hausser de façon marquée les seuils annuels de nouveaux arrivants.

Le Conseil propose ainsi de hausser de 50 % le nombre d'immigrants que l'on reçoit chaque année pour le faire passer à 450 000, tout en accélérant le processus d'accueil des travailleurs spécialisés.

Sur le plan démographique, cette recommandation audacieuse pourrait répondre à la situation particulièrement plus sensible que l'on observe en Ontario et au Québec, où le vieillissement de la population influe déjà sur les niveaux d'emplois disponibles.

Au Québec, toutefois, ce n'est pas tant un problème de nombre de nouveaux immigrants que de structure d'accueil et de référencement qui fait actuellement cruellement défaut.

Une quantité importante de PME situées en région peinent à pourvoir les effectifs minimaux pour exercer correctement leurs activités, faute de main-d'oeuvre, alors que les nouveaux arrivants restent concentrés dans la région de Montréal, où ils constituent une cohorte de chômeurs deux fois plus élevée que la moyenne.

Par contre, le rapport du comité Barton cible très bien l'urgent besoin d'accélérer le processus d'intégration des travailleurs spécialisés étrangers, surtout dans les secteurs des nouvelles technologies et de l'innovation, où bien des entreprises ont en permanence un absolu et pressant besoin de leurs compétences.

INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS ET INFRASTRUCTURES

Le conseil d'experts constate aussi qu'il faut augmenter de façon radicale la part des investissements étrangers directs au Canada, qui se situent chez nous à un niveau nettement inférieur à celui de la moyenne des pays industrialisés, avec une progression moyenne de 2 % par année au Canada, contre 7 % par année dans les pays de l'OCDE.

C'est pourquoi on recommande au gouvernement fédéral de créer une nouvelle agence - genre « Invest in Canada » - qui aurait pour mandat d'attirer des investissements étrangers au pays.

La création d'une telle agence, qui risque de trouver un écho favorable au sein du gouvernement Trudeau, confirmerait la répudiation définitive de la doctrine économique de Pierre Elliott Trudeau, qui avait créé, en 1974, l'Agence de tamisage des investissements étrangers, dans le but tout à fait contraire de limiter ces investissements.

Depuis l'avènement, durant les années 80, de l'ère libre-échangiste, on comprendra que cette doctrine s'était retrouvée en totale rupture avec la réalité.

Mais la création d'une agence nationale d'attraction d'investissements étrangers comporte aussi les risques de doubler des structures déjà existantes comme Investissement Québec ou Invest Ontario, ou encore la douzaine d'organismes métropolitains comme Montréal International ou Invest Toronto, tous des organismes beaucoup plus proches de leur marché.

Une autre proposition du comité Barton annonce la création d'une structure gouvernementale additionnelle, soit la mise sur pied d'une banque des infrastructures.

Cette banque aurait le mandat de gérer les milliards qu'Ottawa a décidé d'injecter au pays, avec la particularité toutefois d'associer des investisseurs privés dans la structure de financement de projets ciblés.

La présence du PDG de la Caisse de dépôt, Michael Sabia, parmi les 14 experts du comité Barton n'est peut-être pas étrangère à cette recommandation d'associer des fonds d'investissement au financement fédéral des infrastructures. On sait que la Caisse est en recherche active de projets.

On verra de quelle façon le gouvernement fédéral accueillera les premières propositions du comité Barton, ce qui pourra nous donner une indication sur l'accueil que réservera le gouvernement Couillard aux propositions de son propre comité de 27 experts qu'il vient tout juste de constituer lui aussi.