Stéphane Roussel, le président et chef des opérations du groupe Vivendi - et nouveau PDG de Gameloft - est de passage à Montréal, où il est venu visiter le plus important studio de jeux vidéo pour mobiles du groupe français qu'il vient d'acquérir. M. Roussel va-t-il profiter de sa présence dans la métropole pour réaliser une petite tournée des installations d'Ubisoft, dont il est le plus important actionnaire ? lui ai-je candidement demandé.

« Non, je ne suis quand même pas maso », m'a répondu tout de go le chef des opérations de Vivendi, la multinationale française des communications et du divertissement qui est aujourd'hui le plus important actionnaire d'Ubisoft depuis qu'elle a accumulé en deux ans près de 22 % de ses actions.

La famille Guillemot, propriétaire d'Ubisoft, était aussi l'actionnaire principal de Gameloft jusqu'à ce que Vivendi prenne une position dominante dans le capital du fabricant de jeux pour mobiles et lance avec succès une offre publique d'achat sur toutes les actions du groupe.

La transaction de 700 millions d'euros a été finalisée le mois dernier et Stéphane Roussel a été nommé PDG de Gameloft, fonction qu'il cumule avec celle de chef des opérations de Vivendi.

« On a écrit beaucoup de choses sur nos intentions par rapport à Ubisoft. Mais il faut faire la part des choses. On souhaite faire d'Ubisoft un acteur d'envergure mondiale capable de concurrencer Activision Blizzard ou Electronic Arts. »

- Stéphane Roussel, président et chef des opérations du groupe Vivendi

« Mais il n'est pas question de brusquer Ubisoft ou de lancer une OPA. On veut procéder de façon ouverte, on souhaite s'entendre avec Yves Guillemot et on va prendre le temps nécessaire pour y arriver », soutient Stéphane Roussel.

Yves Guillemot, c'est connu, ne souhaitait pas l'arrivée de Vivendi au capital d'Ubisoft et il ne veut pas non plus lui céder une place au conseil d'administration parce que Vivendi voudrait exercer le contrôle sans lancer une offre officielle et sans pour autant préciser ses plans d'avenir pour l'entreprise qu'il a fondée et toujours dirigée.

Le principal studio de création et de production d'Ubisoft est situé à Montréal, où travaillent quelque 3000 personnes. Ubisoft a aussi un studio à Québec qui compte 300 employés.

Montréal abrite aussi l'un des plus importants studios de Gameloft, avec presque 500 personnes qui créent et développent tous les éléments de ses jeux vidéo pour téléphones portables.



L'exemple de Gameloft


La communication entre Vivendi et Ubisoft ne passe manifestement pas. Yves Guillemot dit toujours attendre que Vivendi lui transmette par écrit son plan de match alors que Stéphane Roussel affirme qu'il souhaite sans succès engager le dialogue avec le fondateur d'Ubisoft.

Il faut dire que certaines transactions récentes qu'a réalisées Vivendi ont suscité une certaine controverse. Outre l'OPA hostile sur Gameloft, Vivendi a fait l'acquisition l'an dernier du site de vidéos internet Dailymotion et près de la moitié des 220 employés ont quitté l'entreprise depuis.

Cette semaine, Vivendi, déjà actionnaire principal de Telecom Italia, a annoncé qu'elle renonçait au rachat de la filiale de télé payante du groupe italien Mediaset, ce qui a déclenché la colère de son actionnaire de contrôle Silvio Berlusconi.

Stéphane Roussel convient que les situations varient selon les contextes, mais il insiste sur les points positifs qui émergent de la récente acquisition de Gameloft.

« Tout le monde disait qu'il y aurait des départs en cascade. Mis à part certains proches de Michel Guillemot, tout le monde est resté en poste et on sent plutôt un enthousiasme autour des possibilités que l'achat par Vivendi ouvre à Gameloft », explique son PDG.

L'arrivée d'un nouveau propriétaire a ouvert des horizons, estime-t-il. Par exemple, Alexandre Pelletier-Normand, qui était responsable du studio montréalais de Gameloft, va maintenant diriger à partir de Paris toutes les activités de production dans le monde. Il sera remplacé à Montréal par Jocelyn Lefrançois.

Le PDG donne aussi l'exemple de la réunion qu'il vient de convoquer à Paris et qui a rassemblé les 40 cadres les plus importants de Gameloft de partout dans le monde. C'était la première fois qu'ils étaient ainsi réunis et ils ont pu déjà échanger sur des changements stratégiques importants.

« Ils veulent maintenant que Gameloft réalise des lancements de nouveaux jeux de façon ciblée et progressive pour vraiment éliminer tous les bogues possibles. Avant, ils étaient pressurés.

« Ils souhaitent avoir davantage de temps pour développer leur projet afin de mieux intégrer l'innovation dans leurs jeux, comme vient de le faire de façon éloquente le jeu Pokémon GO », expose Stéphane Roussel.

Selon le PDG de Gameloft, Vivendi dispose de moyens financiers et techniques qui vont servir l'entreprise de jeux vidéo à mieux réaliser son plan industriel et qui pourraient aussi permettre à Ubisoft de s'imposer pour mieux concurrencer les grands acteurs mondiaux.

Stéphane Roussel est convaincu qu'Ubisoft pourrait bénéficier des ponts avec les autres divisions de Vivendi, que ce soit pour le cinéma avec Canal+ ou la musique avec Universal. Bref, à défaut d'une OPA prochaine, les deux groupes auraient avantage à se parler.