La numérisation de l'économie, principal attribut de ce qu'on appelle la quatrième révolution industrielle, ne sourit pas de façon égale aux acteurs qui veulent se tailler une place au sein de la mosaïque d'interfaces qui compose son univers, comme en témoignent les derniers résultats financiers du groupe Cogeco.

La semaine dernière, le câblodistributeur a dévoilé les résultats de son troisième trimestre au terme duquel l'entreprise a affiché une perte de 387 millions, comparativement à un bénéfice net de 64,1 millions l'année précédente.

Cogeco avait pourtant enregistré une hausse de près de 3 % de ses revenus et une augmentation de 2,5 % de son bénéfice d'exploitation durant ce troisième trimestre.

L'entreprise a toutefois décidé de comptabiliser une perte de valeur de 450 millions pour son secteur des services de technologies d'information et de communication (TIC) qui souffre, selon le PDG Louis Audet, de l'intensification de la concurrence dans le secteur des solutions informatiques en nuage de la part des fournisseurs de grande envergure.

Il faut se rappeler que Cogeco s'est lancée, en 2012, dans la gestion de centres de données (ou sites d'hébergement) lorsqu'elle a fait l'acquisition de la société canadienne Peer 1 Networks qui exploitait 19 centres de données au pays. Cogeco avait déboursé à l'époque 526 millions pour conclure cette transaction.

Essentiellement, l'entreprise souhaitait investir dans un nouveau secteur d'activité alors en pleine croissance. Le but était d'atténuer le choc appréhendé d'une baisse de croissance dans le secteur de la câblodistribution, qui faisait face à l'arrivée de nouveaux acteurs tels que Netflix.

Une stratégie hautement défendable, d'autant que les sites d'hébergement enregistraient, en 2012, une croissance annuelle de l'ordre de 20 à 25 % alors que le nombre de nouveaux abonnés au câble enregistrait son dernier solde positif, avec un maigre total de 32 000 nouveaux abonnés au Canada.

En 2013, l'industrie de la câblodistribution a amorcé sa phase de décroissance avec une perte de 13 000 abonnés. En 2014, le nombre a atteint les 105 000 et, en 2015, ce sont 190 000 Canadiens qui ont abandonné leur forfait de câble.

En plus de son investissement de 526 millions dans Peer 1 Networks, Cogeco a injecté plus de 100 millions dans la construction d'un centre de données à Kirkland, en banlieue de Montréal.

Au troisième trimestre, les services de TIC aux entreprises de Cogeco ont subi une baisse de 7,8 % par rapport à l'an dernier. Le câblodistributeur n'est pas la seule entreprise de son secteur qui s'est lancée dans l'aventure de l'hébergement de sites internet.

CONCURRENCER DES GÉANTS

Vidéotron a décidé elle aussi de diversifier ses activités traditionnelles et de migrer vers la gestion de centres de données en réalisant l'an dernier l'acquisition de la société 4Degrés, qui exploitait un site dans le Parc technologique du Québec métropolitain.

Vidéotron a payé 35 millions pour 4Degrés et a investi 35 millions pour réaliser des travaux d'agrandissement à Québec avant d'annoncer, en septembre dernier, un investissement de 40 millions pour la construction d'un nouveau centre de données dans le Technoparc Montréal, à Saint-Laurent.

On verra comment Vidéotron arrivera à attirer des clients dans ses centres de données, mais l'expérience de Cogeco a démontré qu'il n'est pas facile de devoir concurrencer des géants, comme l'a d'ailleurs confirmé Louis Audet lors de la publication des résultats du dernier trimestre.

Amazon, Microsoft et Google disposent de moyens et d'infrastructures colossaux avec lesquels les firmes de moindre envergure n'arrivent pas à rivaliser.

« En matière de gestion de centres de données, Amazon est, à elle seule, plus grosse que ses 10 plus proches concurrents réunis, ce qui inclut Google et Microsoft.

« C'est difficile pour des nouveaux venus de se lancer dans ce marché où la notoriété est importante. La force d'attraction des gros joueurs est vraiment forte », explique Éric Chouinard, fondateur de la firme d'hébergement Iweb qu'il a vendue en 2013.

Comble de malheur pour Cogeco et Vidéotron, Amazon a fait savoir au début de l'année qu'elle entendait implanter un sixième centre de données en Amérique du Nord, à Montréal, au cours de 2016. Ce centre desservira tous les clients d'affaires d'Amazon au Canada qui étaient jusque-là traité par l'entremise de son centre établi en Virginie.

Infographie La Presse