Beaucoup ont été surpris de constater mardi que les principaux indices boursiers avaient réussi à reprendre une partie des pertes enregistrées durant les deux séances catastrophiques ayant suivi l'annonce des résultats étonnants du référendum britannique de jeudi dernier. En fait, la crise appréhendée par beaucoup aura été de très courte durée, puisque la Bourse de Londres a même réussi à effacer hier toutes ses pertes postréférendaires.

La chute brutale des marchés boursiers qui est survenue vendredi dernier - au lendemain de la décision des Britanniques de rejeter l'adhésion de leur patrie à l'Union européenne - et le mouvement de forte baisse qui a suivi lundi ont amené de nombreux observateurs à exagérer la portée économique et financière du Brexit.

C'est le propre des marchés boursiers que de carburer et d'évoluer en fonction de l'amplitude des événements et des émotions générées par l'actualité, surtout lorsque cette actualité porte en elle un potentiel hautement perturbateur du cours prévisible de l'activité économique.

Certes, les résultats du référendum britannique favorables au Brexit n'ont pas été ceux auxquels on s'attendait.

Pour ma part, j'étais même un peu excédé tout au long de la semaine dernière par toute l'attention que les médias accordaient à cette consultation populaire, tellement l'issue prévisible de l'exercice semblait, selon moi, évidente. J'étais convaincu que les Britanniques allaient choisir à au moins 52 % de rester au sein de l'Union européenne.

Une fois le choc du résultat passé et l'évocation des multiples scénarios catastrophes intégrés - comme on arrive à intégrer les éléments incongrus de certains rêves agités - , à peu près tout le monde a commencé mardi à revenir aux données mesurables, avérées et parfois même bienveillantes de la réalité.

Depuis le début de la semaine, les nouvelles économiques hors Angleterre sont en général très favorables. L'économie américaine a enregistré le meilleur premier trimestre des trois dernières années ; la confiance des consommateurs américains a atteint un sommet en juin, l'économie québécoise a progressé de 2 % au premier trimestre et les profits de l'industrie aérospatiale canadienne ont progressé de 64 % l'an dernier.

Bref, les marchés ont beaucoup de bonnes raisons de rester optimistes, et c'est ce qu'ils ont fait au cours des deux derniers jours.

Oui, le départ même ordonné de la Grande-Bretagne de l'Union européenne aura d'éventuelles conséquences économiques, mais le vote de jeudi dernier n'aura aucun impact sur le cours immédiat des choses, sauf celui d'alimenter grandement la discussion pour les deux prochaines années.

L'économie britannique risque bien sûr de renouer avec la récession, comme l'avait prédit durant la campagne référendaire Mark Carney, gouverneur de la Banque d'Angleterre, en cas de vote favorable au Brexit.

Mais une fois le choc de la nouvelle absorbé, les marchés boursiers du monde entier ont bien compris que les effets négatifs du Brexit ne seraient encore que théoriques et qu'il restait deux années de discussions pour arriver à déterminer les modalités d'un nouveau partenariat entre la Grande-Bretagne et ses voisins européens.

UNE ALTERNATIVE INQUIÉTANTE

À chaud, les marchés ont surévalué les effets du verdict populaire rendu par les citoyens du Royaume-Uni à propos de leur appartenance à l'Union européenne. Oui, les sujets britanniques en ont marre des effets étouffants et toujours plus contraignants que la bureaucratie européenne a distillés, goutte à goutte, dans leur vie personnelle et professionnelle.

Mais comment une nation qui fut jadis le plus grand empire colonial de tous les temps, un empire sur lequel jamais le soleil ne se couchait, pourrait-elle soudainement et sous le coup de la colère se couper des partenariats qu'elle a solidement tissés au cours des derniers siècles partout dans le monde, plus particulièrement avec l'Europe durant les 60 dernières années ?

Berceau de la révolution industrielle, au cinquième rang des puissances économiques mondiales, la Grande-Bretagne est une grande nation commerçante et plusieurs de ses dirigeants ont été d'ardents partisans de la libéralisation des échanges commerciaux, notamment la première ministre conservatrice Margaret Tatcher.

La dame de fer avait même plaidé à l'époque pour la ratification d'un accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis auprès du premier ministre Brian Mulroney et du président américain Ronald Reagan.

Aujourd'hui, la Grande-Bretagne donne l'impression de vouloir se refermer dans sa singulière insularité, un trait de caractère qui fait peut-être son charme, mais qui traduit une attitude en rupture avec l'irréversible mouvement de mondialisation que l'on vit.

Traders from BGC, a global brokerage company in London’s Canary Wharf financial centre react as European stock markets open early June 24, 2016 after Britain voted to leave the European Union in the EU BREXIT referendum. REUTERS/Russell Boyce TPX IMAGES OF THE DAY