Depuis cinq ans, non seulement Investissement Québec est incapable de financer ses activités avec ses fonds autogénérés, mais sa trop faible rentabilité n'arrive même pas à couvrir le coût des emprunts que le gouvernement contracte chaque année pour financer ses interventions.

Le rapport du Vérificateur général du Québec sur la rentabilité financière et la performance économique d'Investissement Québec (IQ) relève de nombreuses lacunes dans la gestion et surtout les orientations qui doivent guider l'organisme responsable de financer des projets générateurs d'activités économiques.

Bien qu'IQ n'a jamais versé de dividendes au gouvernement au cours des 15 dernières années, l'institution avait été la plupart du temps en mesure d'opérer à coûts nuls, c'est-à-dire de produire un rendement annuel équivalent ou supérieur aux coûts d'emprunt du financement que le gouvernement du Québec lui assurait.

Depuis qu'Investissement Québec a absorbé les activités et les actifs de la Société générale de financement (SGF), en 2011, la situation s'est considérablement détériorée. Mis à part l'exercice 2012-2013, IQ n'a jamais été en mesure d'atteindre les cibles de rentabilité qui avaient été fixées.

Le coût moyen d'emprunt du gouvernement au cours des cinq dernières années a été de 4 % par année. Comme IQ profite de fonds propres de 2,5 milliards, l'institution aurait dû générer des profits d'au moins 100 millions par année, ce qu'elle a été incapable de faire au cours des cinq années.

L'intégration de la SGF n'a pas généré les économies d'échelle souhaitées et le mariage des deux approches d'investissement a mis du temps à vraiment se fondre en une entité cohérente.

Mais au-delà de la cohésion au sein de la structure de l'institution, le vrai problème chez Investissement Québec, c'est la cohérence dans son opération quotidienne d'investissement.

La fonction première de la société d'État est d'épauler les entreprises qui ont des projets d'investissement et des besoins de capitaux en leur offrant des prêts, des garanties de prêts ou des prises de participation à leur capital.

Toutes ces activités de banquier d'affaires sont financées à même les fonds propres d'Investissement Québec, dont la politique d'investissement a plafonné à 100 millions la limite de financement pour une même entreprise.

IQ a cependant hérité d'un autre mandat, soit celui d'administrer le Fonds de développement économique du gouvernement, qui vise à permettre la réalisation de projets économiques structurants avec sensiblement les mêmes outils : prêts, garanties de prêt, capital-actions et aussi la possibilité d'octroyer des subventions.

On observe depuis quelques années un rapprochement inquiétant entre ces deux fonctions qui devraient pourtant rester bien distinctes chez IQ.

Lorsqu'IQ décide d'investir dans une entreprise, elle le fait après que ses spécialistes ont réalisé une étude étoffée de l'entreprise, de ses besoins, du marché, de la concurrence. Il y a bien sûr une prise de risque, mais qui a été calculée.

Lorsqu'IQ investit via le Fonds de développement économique, l'institution ne fait qu'exécuter une commande politique sans avoir à poser un diagnostic préalable.

Dans son rapport, le Vérificateur général donne des exemples surprenants où la confusion des genres et des mandats ont mené à des interventions qu'IQ n'aurait pas dû réaliser.

En 2013, le gouvernement Marois décide de financer l'initiative RER Hydro, une nouvelle filière hydrolienne, en y injectant 85 millions. IQ a réalisé le financement en ayant recours à ses fonds propres plutôt que de recourir au Fonds de développement économique.

Fin 2012, début 2013, le gouvernement demande à IQ d'acheter des actions de Rona pour empêcher une prise de contrôle du géant américain Lowe's. En six mois, IQ a accumulé pour 156 millions d'actions de Rona, ou 6 % de l'entreprise, à même ses fonds propres, alors que sa politique d'investissement limite à 100 millions une participation dans une même entreprise.

Depuis plusieurs années, IQ réalise des financements mixtes au sein de plusieurs entreprises, comme elle l'a fait en acquérant pour 100 millions d'actions de la minière Stornoway via le Fonds de développement économique tout en injectant 120 millions de ses fonds propres dans un prêt accordé à l'entreprise.

Le même scénario s'est répété dans le projet de la Cimenterie de Port-Daniel ou dans la conversion d'une machine à papier à l'usine Kruger de Trois-Rivières.

« Avant, le gouvernement demandait à la direction d'Investissement Québec si elle pouvait étudier un dossier et donner son évaluation. Aujourd'hui, les politiques disent carrément d'investir là-dedans et elle doit suivre », nous ont confié des gens très au fait des pratiques à la direction d'Investissement Québec.