Les banques canadiennes ont complété cette semaine la divulgation des résultats financiers de leur deuxième trimestre et, comme il fallait s'y attendre, leur rentabilité a été sérieusement affectée par le contexte économique et financier difficile au Canada, touché principalement par le secteur du pétrole et du gaz. Malgré tout, les banques canadiennes profitent d'un contexte général qui ferait l'envie de bien des banques européennes.

Des profits en baisse de 3 % pour la Banque de Montréal, de 12 % pour la Banque Scotia, de 50 % pour la Banque Nationale et une hausse de tout juste 3 % pour la Royale, la TD et la CIBC.

Franchement, le deuxième trimestre 2016 ne passera pas à l'histoire pour nos grandes banques canadiennes, dont l'essentiel du déclin de rentabilité qu'elles viennent d'enregistrer est attribuable aux provisions pour pertes qu'elles ont dû prendre pour leurs prêts consentis aux entreprises du secteur pétrolier et gazier.

Et c'est la Banque Nationale qui a été la plus frappée des six, puisqu'elle est celle qui a la plus forte exposition (3 %) au secteur pétrolier qui a plongé l'Alberta en récession et qui continue d'affecter négativement la croissance économique canadienne.

N'empêche, Séverin Cabannes, le directeur général délégué de la banque française Société Générale, composerait très bien avec pareille situation, d'autant qu'elle est purement conjoncturelle.

M. Cabannes était de passage jeudi à Montréal, où il était conférencier à la tribune du Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), où j'ai eu le plaisir de discuter avec lui des enjeux qui mobilisent les grandes banques internationales.

La Société Générale est une banque internationale qui compte plus de 150 000 collaborateurs dans les 75 pays où elle est active. Elle a été identifiée comme une banque d'importance systémique à l'échelle mondiale par les accords réglementaires de Bâle III.

Spécialiste de la stratégie, ce gestionnaire à l'esprit vif et à l'échange généreux a dressé un portrait succinct mais éminemment limpide de l'environnement lourd et complexe dans lequel doivent évoluer les banques européennes.

Après avoir dû réagir en catastrophe à la crise financière internationale de 2008, les grandes banques européennes ont été par la suite confrontées, en 2010, à la crise de la dette souveraine de certains pays du Vieux Continent, avant d'être forcées d'adopter les nouvelles normes réglementaires de Bâle III.

ENVIRONNEMENT HOSTILE

La combinaison de ces différents éléments a mis en place en Europe un environnement hostile dont peinent à émerger les institutions financières comme la Société Générale.

Les banques canadiennes sont évaluées en Bourse à 1,5 fois la valeur comptable de leurs actifs, alors que les banques américaines profitent d'une valorisation de 0,9 fois la valeur de leurs actifs.

Pour leur part, les banques européennes se voient attribuer une valeur équivalant à 0,7 fois leurs actifs, a illustré le responsable des activités d'investissement à la Société Générale.

De 2000 à 2015, les banques canadiennes ont enregistré une valorisation nette positive alors que les banques américaines ont vu leur valeur chuter de 20 %. Durant la même période, la valorisation des banques européennes a pour sa part fondu de 60 %, a souligné Séverin Cabannes.

Encore aujourd'hui, les écarts de valorisation des activités courantes sont importants. Les banques canadiennes affichent une rentabilité (bénéfices vs fonds propres) de 15 % ; les banques américaines, de 9 % et les banques européennes, de 6 % seulement.

« En Europe, on est destructeur de valeur », a imagé Séverin Cabannes. Alors que la reprise économique se profile sur l'ensemble du territoire européen, les institutions financières attendent encore un nouveau resserrement du cadre réglementaire qui va les forcer à accumuler davantage de capital au lieu de faire du crédit et de participer à la relance du système économique européen.

Ces quelques observations qu'a faites le dirigeant de la Société Générale viennent mettre en perspective le contexte actuel dans lequel évoluent les banques canadiennes.

Oui, nos banques, qui ont très habilement traversé la crise financière de 2008, vivent aujourd'hui des moments un peu plus difficiles, mais ils sont le résultat de la conjoncture et non pas l'effet d'un environnement hostile.

Déjà, les prix du pétrole se sont appréciés de 60 % depuis l'atteinte de leur niveau plancher des 12 derniers mois, ce qui donne déjà un peu d'oxygène aux entreprises du secteur qui étaient en difficulté et qui leur permettra à terme de rétablir de meilleures relations avec leurs banquiers. Les banques canadiennes n'ont rien à envier à leurs homologues étrangères.