Tout le monde s'attendait à voir Pierre Karl Péladeau à l'assemblée annuelle des actionnaires de Québecor, jeudi matin, au siège social de l'entreprise, rue Saint-Jacques. Sa présence aurait été d'autant plus normale que le principal actionnaire de Québecor s'était déjà pointé « au bureau », la semaine dernière, le jour suivant l'annonce de sa démission comme chef du Parti québécois (PQ).

Pour une troisième année consécutive, celui qui contrôle 74 % des droits de vote de Québecor ne s'est pas présenté à la rencontre annuelle de ses actionnaires.

Si l'absence de Pierre Karl Péladeau était pleinement justifiée lors des deux années où il était député de la circonscription de Saint-Jérôme pour le PQ, rien n'empêchait sa présence à l'assemblée de cette année.

En fait, tout le monde aurait trouvé raisonnable que le principal actionnaire du groupe réapparaisse publiquement dans le giron de l'entreprise à laquelle il a consacré toute sa vie et dont il ne voulait surtout pas se défaire malgré sa brève réorientation de carrière.

Brian Mulroney, président du conseil d'administration de Québecor, a expliqué aux actionnaires que PKP n'avait exprimé aucun intérêt à revenir dans un rôle actif au sein de l'entreprise et qu'il préférait pour le moment se consacrer entièrement à gérer sa situation personnelle et familiale.

En conférence de presse, Brian Mulroney a toutefois précisé que, dans les prochaines semaines, rien n'empêchera Pierre Karl Péladeau de le contacter pour discuter des modalités d'un éventuel retour à la direction des affaires de Québecor.

L'ex-premier ministre a même concédé à la blague qu'il était prêt à céder son poste de président du conseil à PKP, si jamais celui-ci lui en faisait la demande. « Je n'ai plus 35 ans », a relevé Brian Mulroney, dont l'association avec Québecor a débuté à l'époque du fondateur Pierre Péladeau, il y a plus de 50 ans.

Parce que c'est comme président exécutif du conseil de Québecor que l'on peut entrevoir de façon la plus plausible la prochaine réincarnation de Pierre Karl Péladeau au sein de l'empire dont il est l'actionnaire principal.

Même s'il est toujours resté en contact avec la haute direction de Québecor durant son exil politique et qu'il a été nécessairement consulté - à titre d'actionnaire de contrôle - sur toutes les décisions d'importance qui ont été prises durant son absence, PKP n'avait pas caché une certaine lassitude de la gestion au quotidien lorsqu'il a avisé la première ministre Pauline Marois qu'il avait envie de servir l'État québécois.

Ce qu'il a d'abord fait à titre de président du conseil d'Hydro-Québec, puis en décidant de se présenter comme candidat au poste de député de Saint-Jérôme et, enfin, comme chef du Parti québécois.

NETTOYAGE D'ACTIFS RÉUSSI

Or, au cours des deux dernières années, sous la gouverne du PDG Pierre Dion et de son équipe de direction, Québecor a opéré un sérieux nettoyage d'actifs et réalisé des acquisitions stratégiques qui ont permis à la société de dégager une rentabilité que l'on n'avait pas vue depuis un certain temps déjà.

Il y a notamment eu la vente des chaînes de journaux Sun et Osprey au Canada anglais, l'abandon de la chaîne d'information de langue anglaise Sun News, la conclusion de la vente des hebdos régionaux à Transcontinental et, plus récemment, la vente du Groupe Archambault à Renaud-Bray.

Parallèlement, Québecor a réalisé l'an dernier l'achat des magazines de Transcontinental et l'acquisition des studios MELS, qui ont enregistré une hausse de 52 % de leurs revenus et qui constituent aujourd'hui un vecteur prometteur avec le projet de coproduire et de réaliser des séries internationales à partir de Montréal.

Vidéotron continue pour sa part de hausser sa rentabilité dans ses secteurs traditionnels tout en développant de toutes nouvelles perspectives, notamment dans l'hébergement de serveurs informatiques.

Bref, Pierre Karl Péladeau a tout intérêt à maintenir en place cette organisation qui lui a permis de s'enrichir puisque Québecor a annoncé, jeudi, une hausse de son dividende trimestriel. Une pratique que l'entreprise souhaite poursuivre.

À titre de président exécutif du conseil, Pierre Karl Péladeau pourrait se consacrer à la supervision et à l'exécution des grandes stratégies du groupe, dont celle de développer de façon probante et rentable sa nouvelle division Sports et divertissement pour en faire le troisième pilier du groupe.

PKP était peut-être absent de l'assemblée des actionnaires jeudi, mais son aura planait dans la salle de réunion comme elle n'a jamais cessé de le faire lors des trois dernières années, soit depuis qu'il a arrêté de diriger officiellement l'entreprise.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Pierre Karl Péladeau