Beaucoup de manufacturiers québécois ont été ravis de constater, hier matin, que le dollar canadien avait retraité sous la barre des 80 cents US, après avoir poussé une pointe jusqu'à 83,6 cents US il y a tout juste deux semaines. Pour le fabricant de bicyclettes et de produits de puériculture Dorel, qui pâtit depuis deux trimestres de la dévaluation de la grande majorité des devises par rapport au dollar américain, la baisse du dollar canadien n'est pas nécessairement une bonne nouvelle.

Dorel est une entreprise qui enregistre depuis des années une croissance soutenue alimentée en grande partie par son expansion sur la scène internationale.

À l'origine petit fabricant de meubles à assembler et de produits pour enfants, l'entreprise s'est transformée au fil des ans pour devenir le leader mondial des produits de puériculture - sièges d'enfants pour auto, poussettes... - et le quatrième fabricant de bicyclettes du monde.

Pertes sur change

Aujourd'hui, Dorel a des activités dans 25 pays, vend ses produits dans plus d'une centaine d'États, affiche des revenus de 2,7 milliards US puisqu'elle consolide son bilan financier en dollars américains, ce qui lui coûte un bras dans le contexte de vulnérabilité des devises par rapport au dollar américain.

«On réalise 54% de nos revenus aux États-Unis, mais les 46% restants proviennent des marchés européens, sud-américains et asiatiques. Toutes les devises ont reculé fortement face au dollar américain, dit Jeffrey Schwartz, chef de la direction financière, en marge de l'assemblée annuelle des actionnaires.

«Le phénomène a débuté à notre quatrième trimestre de l'an dernier et s'est poursuivi au premier trimestre.»

Résultat des courses: Dorel a retranché 10 millions à ses bénéfices d'exploitation au quatrième trimestre de l'an dernier en raison des pertes sur change et 12 millions durant son premier trimestre 2015.

Pour le trimestre en cours, la direction prévoit qu'elle devra à nouveau amputer ses profits d'exploitation de 12 millions. Pour atténuer le choc des fluctuations des devises, le fabricant montréalais n'aura pas d'autre choix que d'augmenter le prix de ses produits en magasin, particulièrement ceux de ses bicyclettes, partout sauf aux États-Unis.

Sommairement, Dorel réalise des ventes annuelles de 1 milliard US avec sa division de vélos et enregistre 1 milliard US de revenus avec sa division de produits de puériculture.

Enfin, l'entreprise exploite toujours sa division Dorel Mobilier de maison, qui fabrique et commercialise des produits d'ameublement et génère des revenus de 650 millions US. Ce qui n'est pas négligeable.

Ironiquement, la division Meubles a profité de la force du dollar américain et vient d'enregistrer l'un des meilleurs premiers trimestre de son histoire.

«On a deux usines de fabrication de meubles au Canada, une à Montréal et l'autre à Cornwall, et les deux ont pleinement contribué à la réalisation de nos bons résultats», relève Martin Schwartz, PDG de Dorel.

Virage chinois

Dorel a réalisé l'an dernier en Chine l'acquisition stratégique d'un important complexe industriel qui fabrique des produits de puériculture et qui était l'un de ses principaux fournisseurs.

L'entreprise Laredo exploite trois immenses usines où travaillent plus de 4000 personnes. Dorel l'a reprise d'un groupe taïwanais qui éprouvait de la difficulté à exécuter correctement ses mandats industriels.

«On a changé la haute direction et on travaille à rationaliser et à optimiser la production. On fabrique présentement des produits pour nos concurrents que l'on va progressivement remplacer pour réaliser plutôt nos propres produits qui sont fabriqués en Europe et en Amérique du Nord.

«On mise beaucoup sur l'usine Laredo, où l'on va consolider nos opérations manufacturières», anticipe Martin Schwartz.

Dorel compte également développer le secteur des pièces et équipements pour vélos, un nouveau vecteur de croissance, selon l'entreprise.

«Les équipements de vélos, c'est un marché annuel de 10 milliards. Présentement, les équipements ne représentent que 2 ou 3% de nos revenus totaux. On veut que cette proportion atteigne éventuellement 20% de l'ensemble de nos ventes», explique Jeffrey Schwartz.

Pour bien illustrer son propos, le chef de la direction financière de Dorel nous présente une selle de vélo en fibre de carbone que vient de développer sa division Fabric, en Grande-Bretagne, et qui fait fureur dans les boutiques spécialisées.

Cette pièce d'équipement, qui, à mes yeux de néophyte, semble bien banale et même plutôt inconfortable, se détaille pourtant 500$US, et on se l'arrache. On comprend mieux pourquoi Dorel veut tellement développer cette nouvelle niche.