Il y a cinq ans, Industries Lassonde réalisait seulement 6% de son chiffre d'affaires de 536 millions de dollars aux États-Unis, mais le producteur de jus de Rougemont avait clairement indiqué à l'époque que sa prochaine expansion devait nécessairement passer par le sud de la frontière, un marché beaucoup plus vaste où il y avait encore largement place à la consolidation.

Manifestement, les dirigeants de chez Lassonde sont des gens de parole, puisque pour la première fois de son histoire, les revenus provenant des États-Unis ont été supérieurs à ceux générés au Canada.

Les États-Unis ont représenté 52% des ventes totales de 1,18 milliard qu'a enregistrées le groupe, qui commercialise notamment la marque de jus Oasis au Canada.

À l'été 2011, Lassonde réalisait une première et importante percée aux États-Unis en faisant l'acquisition de l'entreprise Clement Pappas, deuxième fabricant de jus de marques privées aux États-Unis.

Réalisée au coût de 410 millions, cette acquisition stratégique a permis à Lassonde de devenir un acteur majeur de l'immense marché américain et de devenir du jour au lendemain le fabricant des marques maison de jus pour les géants Walmart, Costco et Target.

L'été dernier, Lassonde a frappé de nouveau en achetant cette fois le groupe Apple&Eve, un fabricant de jus qui détient des marques nationales très bien positionnées dans leur marché et qui s'est bâti une grande crédibilité au fil des ans. Lassonde a payé 150 millions US pour en faire l'acquisition.

Pour son dernier exercice financier, Lassonde n'a comptabilisé que cinq mois d'activités d'Appel&Eve, qui avait enregistré des revenus de 190 millions US, en 2013. C'est donc dire qu'au terme de la présente année, la contribution des nouvelles divisions américaines va être plus importante encore au bilan de Lassonde.

Il faut s'y faire parce que la tendance devrait se poursuivre au cours des prochaines années, a indiqué Jean Gattuso, président de l'entreprise, aux actionnaires de Lassonde, réunis hier à Montréal pour assister à l'assemblée annuelle.

«Au Canada, tu as trois grands groupes de fabricants de jus, Lassonde et deux géants des boissons gazeuses, qui contrôlent 60% du marché. Aux États-Unis, on recense 10 entreprises différentes qui se partagent la même part de marché. Le marché est plus fragmenté», m'a précisé Jean Gattuso en entrevue, en compagnie de Pierre-Paul Lassonde, l'actionnaire de contrôle et PDG du groupe alimentaire.

Avantages et constats

Lassonde s'est évidemment intéressé au marché américain en raison de sa taille: il est 10 fois plus grand que celui du Canada, avec des revenus annuels de 81 milliards US, comparativement à 8,5 milliards US au Canada.

Mais cette expansion visait également à protéger le groupe des trop grandes fluctuations de change puisque Lassonde doit réaliser l'essentiel de ses achats de matières premières (fruits, légumes...) en dollars américains.

«Quand on traverse une période où le dollar canadien tombe à 20 cents sous la valeur du dollar américain, cela nous coûte cher. On a beau se protéger avec des contrats à terme, on reste soumis aux grands mouvements de change.

«Là, on développe une couverture naturelle puisque les gains de change que l'on fait avec nos revenus en dollars américains compensent les coûts additionnels que l'on doit absorber pour réaliser l'achat de nos matières premières. On continue d'utiliser des outils de change, mais on se dirige vers une protection naturelle», souligne Jean Gattuso.

Par ailleurs, le déploiement de Lassonde aux États-Unis a permis au groupe de constater que le traitement fiscal américain est nettement plus exigeant que le régime canadien.

En 2013, Lassonde a dû payer un taux effectif d'impôt de 25,5% sur ses profits. L'an dernier, c'est un taux effectif de 29,1% que l'entreprise a dû cotiser, en raison de la part grandissante de ses revenus et du fisc américains.

Si les profits des entreprises sont maintenant taxés à 27,5% au Canada, leur traitement fiscal aux États-Unis est de 36,5%, lorsqu'on inclut l'impôt prélevé par les États.

«C'est sûr que plus on va se développer aux États-Unis, plus on va se rapprocher des 36%. Mais on est encore loin d'être rendu là. Notre principal objectif, avant celui de poursuivre notre expansion, est d'assurer la profitabilité et la pérennité des activités du groupe», précise Jean Gattuso, sous l'oeil approbateur Pierre-Paul Lassonde.