La confirmation de la vente du Cirque du Soleil à des intérêts étrangers a soulevé depuis lundi un vent d'indignation chez de nombreux Montréalais qui perçoivent cette transaction comme rien de moins qu'une transgression de l'un des plus prestigieux fleurons économique et culturel du Québec.

Il ne fait aucun doute, la vente du Cirque du Soleil a créé un choc. Depuis lundi, j'ai reçu quantité de courriels de lecteurs qui tenaient à commenter cette transaction et leur verdict est unanime: Montréal va perdre de façon progressive mais irrémédiable le siège social du Cirque.

Le centre décisionnel et créatif de l'entreprise de divertissement va connaître le même sort que celui d'Alcan, observent un grand nombre de lecteurs.

Ceux-ci rappellent que depuis l'acquisition de la multinationale de l'aluminium par le géant minier Rio Tinto, en 2007, on a assisté à un rétrécissement significatif des activités et du personnel en poste à Montréal.

Les dirigeants du Cirque du Soleil ont eu beau expliquer que leur situation est tout autre, cela ne convainc en rien les sceptiques.

Il faut toutefois rappeler encore une fois que les nouveaux propriétaires du Cirque ne sont pas des opérateurs qui pourraient rapatrier dans leur giron certaines des activités du siège social montréalais.

Tant qu'ils seront là, l'avenir du siège social sera assuré. C'est le jour où ils décideront de vendre qu'il faudra s'inquiéter de la pérennité des activités montréalaises du Cirque.

Si la vente du Cirque a créé une onde de choc qui a ébranlé la fierté collective québécoise, on a récemment appris qu'un autre fleuron québécois pourrait lui aussi passer sous contrôle étranger et générer une commotion similaire à celle de l'annonce de la vente du Cirque.

L'agence de presse Reuters a dévoilé, il y a deux semaines, que la haute direction de Bombardier envisageait de vendre sa division Transport en totalité ou en partie seulement en réalisant un premier appel public à l'épargne.

Selon les sources de Reuters, en vendant en tout ou en partie sa division Transport, la multinationale québécoise chercherait ainsi à alléger son bilan financier, particulièrement alourdi par les coûts de développement beaucoup plus élevés que prévu de la CSeries que doit soutenir la division Bombardier Aéronautique.

Vendre ou consolider

Selon le même article, Bombardier envisagerait également une troisième option, soit celle de fusionner ses activités dans le secteur du rail avec un autre des grands acteurs mondiaux, que ce soit Alstom ou Siemens.

Cette dernière option, qui s'inscrirait dans un mouvement de consolidation des plus grands fabricants de matériel roulant au monde, vient toutefois contredire la prétendue urgence de Bombardier à vouloir dégager de nouveaux capitaux qui lui permettraient de mieux respirer.

L'entreprise a maintes fois répété qu'elle était en plein processus de révision stratégique de ses actifs et de ses activités. La division Transport a généré l'an dernier des revenus de 9,6 milliards et des bénéfices bruts de 429 millions, alors que sa division Aéronautique a réalisé des ventes de 10,5 milliards, mais une perte de 995 millions.

Au Québec, Bombardier Transport emploie 875 personnes à son siège social et son centre d'ingénierie de Saint-Bruno, dont quelque 400 ingénieurs qui travaillent autant sur la création de nouveaux prototypes qu'à l'adaptation du matériel roulant existant.

Le siège social de Saint-Bruno est responsable de la supervision de toutes les activités manufacturières du groupe Bombardier Transport pour l'ensemble des Amériques, ce qui inclut autant le développement de nouvelles voitures pour le mini-métro de San Francisco, les nouvelles voitures pilotes du métro de New York ou les wagons du métro de São Paulo, au Brésil.

L'usine de La Pocatière de Bombardier, où sont assemblées les nouvelles voitures du métro de Montréal, emploie pour sa part 425 personnes qui fabriquent aussi les panneaux latéraux des wagons des métros de Chicago et de Toronto.

Il faut se rappeler que l'aventure de Bombardier Transport a débuté au milieu des années 60, lorsque Laurent Beaudoin a proposé au maire Jean Drapeau de construire les wagons du nouveau métro de Montréal à son usine de La Pocatière, qu'il venait d'acquérir de l'un de ses concurrents qui y fabriquait des motoneiges...

La direction de Bombardier a répondu aux rumeurs véhiculées par Reuters qu'elle étudiait présentement les voies et moyens qui pourraient lui permettre de participer à la consolidation du secteur du transport roulant.

Si jamais Bombardier Transport fusionne avec un des principaux concurrents, ce ne sera pas la catastrophe que certains appréhendent mais plutôt la chance pour ce fleuron québécois de consolider les activités du siège social de Saint-Bruno.

Inévitablement, Bombardier rapatrierait à Saint-Bruno les activités du nouveau groupe fusionné pour l'ensemble des Amériques. On ne parlerait plus ici d'un fleuron assiégé mais d'un fleuron en expansion.