En moins d'un mois, notre fierté nationale a été mise à rude épreuve lorsqu'on a appris coup sur coup que deux des fleurons économiques québécois les plus emblématiques sur la scène internationale - le Cirque du Soleil et Bombardier Transport - pourraient être vendus à des intérêts étrangers. Dans le cas du Cirque du Soleil, tout indique qu'une transaction est maintenant sur le point d'être scellée.

C'est donc le Cirque du Soleil qui est en voie de créer une première fissure dans le ciment de notre orgueil national depuis qu'on a récemment appris que Guy Laliberté, fondateur et propriétaire du Cirque, était dans la dernière ligne droite d'une négociation en vue de la vente de 90% de ses actions à un groupe d'investisseurs étrangers.

Le Cirque du Soleil, qui fait rayonner partout dans le monde le talent, la créativité et l'ingéniosité du Québec et fait la fierté de tous les Québécois, est sur le point d'être soldé à un groupe d'investisseurs étrangers mené par la firme américaine d'investissement TPG Capital.

Le Globe and Mail affirmait hier que TPG Capital se serait allié à deux partenaires minoritaires - le fonds d'investissement chinois Fosun Capital Group et la Caisse de dépôt - pour mettre la main sur le bloc de contrôle de Guy Laliberté, dans une transaction évaluée à 1,8 milliard de dollars.

On savait que Guy Laliberté était à la recherche d'un partenaire financier stratégique. Il y a tout juste un an, dans une longue entrevue qu'il m'accordait au siège social du Cirque dans le quartier Saint-Michel, l'entrepreneur avait expliqué qu'il souhaitait vendre 30% de ses actions pour aller chercher les capitaux nécessaires à la transformation de son organisation.

Guy Laliberté prévoyait ainsi lever 500 millions qui permettraient de constituer trois fonds d'investissement: un fonds de production de nouveaux spectacles, un fonds d'acquisition de droits de propriété et un fonds immobilier. Le fondateur du Cirque du Soleil n'excluait pas une inscription à la Bourse.

Cette quête d'un nouveau partenaire financier était la suite logique d'un long processus de révision stratégique que les dirigeants du Cirque ont mené durant près d'un an et qui a notamment conduit à la rationalisation des effectifs au siège social de l'entreprise, où 400 emplois ont été supprimés en janvier 2013.

De partenaire stratégique à nouveau propriétaire

Selon des informations dévoilées par l'agence Reuters, en décembre dernier, la démarche entreprise par Guy Laliberté en vue de trouver un partenaire minoritaire a été modifiée lorsque les groupes financiers sollicités par la banque d'affaires Goldman Sachs, chargée de sonder les investisseurs potentiels, ont manifesté leur intention d'acquérir une position majoritaire dans le Cirque du Soleil.

Guy Laliberté ne conserverait donc que 10% des actions de l'entreprise montréalaise, ce qui est le scénario qui va se réaliser très prochainement. Selon nos informations, TPG Capital va détenir 60% des actions du Cirque, le fonds chinois 20% et la Caisse de dépôt les 10% restants.

Cette participation de la Caisse à la propriété du Cirque du Soleil n'est pas étrangère aux inquiétudes soulevées par nos politiciens à Québec, qui ont vivement réagi à l'éventuelle prise de contrôle de ce fleuron québécois par des intérêts étrangers.

Le député péquiste Pierre Karl Péladeau a enjoint au gouvernement Couillard de tout mettre en oeuvre pour que le Cirque reste une propriété québécoise, quitte à utiliser massivement le soutien financier de la Caisse de dépôt et celui d'Investissement Québec.

Le premier ministre Philippe Couillard a, quant à lui, interpellé Guy Laliberté afin qu'il protège et assure l'avenir des activités du siège social mont-réalais du Cirque du Soleil et des 1400 personnes qui y travaillent.

Il est certes inquiétant que le fondateur et propriétaire d'une entreprise créatrice et innovante comme le Cirque du Soleil décide de liquider sa position prépondérante, puisqu'il a toujours été et demeure le principal dépositaire de sa démarche distinctive.

Si toutefois des investisseurs décident de débourser 1,8 milliard pour faire l'acquisition du Cirque du Soleil, c'est qu'ils sont convaincus de son potentiel et qu'ils savent que celui-ci réside dans les activités de son siège social et créatif montréalais.

Il n'en reste pas moins que la vente de la quasi-totalité des actions de Guy Laliberté remet en question l'avenir du Cirque du Soleil, qui dépendait, selon son plan stratégique, de l'injection de 500 millions de nouveaux capitaux pour assurer son développement.

Avec sa position très diluée de 10%, Guy Laliberté n'investira pas les 500 millions attendus. Il faudra voir si les nouveaux propriétaires vont souhaiter financer le plan de développement prévu jusqu'ici et injecter 500 millions additionnels dans leur nouvelle aventure.

L'avenir du Cirque et le déploiement de son plan d'affaires reposeront dorénavant entièrement sur les épaules de son PDG Daniel Lamarre, dont le mandat des prochaines années vient de s'alourdir considérablement.