Tout au long de la dernière année, le pétrole a encore fait couler beaucoup d'encre au Québec. Malgré le fait qu'on n'en a jamais produit de façon significative sur notre territoire, l'or noir, qu'il soit propre ou sale, contamine régulièrement l'actualité québécoise et affecte les rendements de nos caisses de retraite, comme on a encore pu le constater hier.

Après avoir reculé de 5% la semaine dernière, les titres du secteur de l'énergie ont fait un douloureux plongeon de 6%, hier à la Bourse de Toronto, avant de se ressaisir légèrement.

Le recul des prix mondiaux du baril de pétrole - qui cumulent des pertes de près de 40% depuis le début de l'été - et qui a amené le prix du baril de West Texas Intermediate à clôturer hier à 63,05$US, en baisse de 4,3%, a une fois de plus entraîné dans son sillage l'indice de la Bourse de Toronto.

Ainsi, en début d'après-midi hier, le S&P/TSX a chuté de près de 500 points en raison du plongeon des titres du secteur de l'énergie, qui a lui-même entraîné une baisse de la valeur des titres du secteur financier.

Cette nouvelle correction des titres pétroliers a été provoquée par des données économiques décevantes en provenance de la Chine, où le niveau des exportations enregistrées en novembre était nettement en deçà des attentes, suggérant ainsi une expansion économique moins importante que prévu et une moins grande consommation d'énergie.

Les marchés ont beau être rompus aux soubresauts cycliques qu'enregistrent les prix des matières premières, le présent cycle baissier que nous traversons semble s'avérer beaucoup plus menaçant et persistant qu'il ne s'annonçait au départ.

Ainsi, la Banque Morgan Stanley a émis hier une nouvelle note de recherche qui prévoit que le prix du pétrole américain pourrait poursuivre sa chute en 2015 pour descendre à un niveau plancher de 43$US.

Selon la banque américaine, les prix du pétrole vont amorcer une lente remontée en 2016 aux alentours des 80$US, remontée qui ne permettra toutefois pas de retrouver les niveaux de prix de 100$US et plus auxquels on était habitués.

L'omniprésence du pétrole

La Bourse canadienne, qui était le marché boursier le plus performant de la planète en début d'été avec des gains de plus de 16%, affiche maintenant un rendement de 3,84% depuis le début de l'année, soit la moitié des rendements produits par les marchés américains.

Cette détérioration de la performance canadienne est essentiellement attribuable au recul des titres de ressources naturelles et de l'énergie.

Il s'agit d'une détérioration coûteuse pour nos grands gestionnaires de caisses de retraite, qui n'ont d'autre choix que de rapprocher la composition de leur portefeuille de celle du TSX.

Encore cette année pourtant, le groupe des quelque 110 entreprises québécoises qui sont inscrites à la cote de la Bourse de Toronto surclasse la performance boursière canadienne avec un rendement moyen depuis le début de l'année de plus de 16%, selon l'indice Morningstar Banque Nationale Québec.

En 2013, le rendement de la Bourse de Toronto avait été aussi affecté par la mauvaise tenue des secteurs de l'énergie et des ressources naturelles, la Bourse canadienne ayant enregistré des gains de 9,6% alors que l'indice Morningstar Québec cumulait des gains de 32%.

Au cours des deux dernières années, on a beaucoup parlé de pétrole au Québec. Il y a d'abord eu la terrible tragédie de Lac-Mégantic qui a mis sur la sellette la hausse vertigineuse du transport du pétrole albertain et américain par rail pour l'amener vers les raffineries de l'Est.

On a eu droit par la suite à la décision préélectorale du gouvernement du Parti québécois d'aller de l'avant avec l'exploration pétrolière dans l'île d'Anticosti.

Depuis deux ans, on s'est aussi beaucoup fait bombarder par les incessantes campagnes de lobbying des sociétés Enbridge - pour l'inversion de son pipeline vers les raffineries québécoises - et TransCanada qui, pour son projet Énergie Est, veut transformer son gazoduc en oléoduc en vue de son prolongement jusqu'à la raffinerie Irving au Nouveau-Brunswick.

La nouvelle réalité du marché qui semble se mettre en place mettra vraisemblablement une sourdine sur cette promotion sans précédent des vertus et des dangers du pétrole dans nos vies.

Ce n'est pas avec un baril à 43$US que Junex ou Pétrolia vont se mettre à extraire des millions de barils par jour au Québec, et cette nouvelle réalité de prix devrait aussi ralentir considérablement les visées expansionnistes de TransCanada à implanter son oléoduc au Québec, en raison ou en dépit des bélugas.