Depuis l'éclatement de la crise de 2008-2009, les entreprises ont géré de façon excessivement prudente leurs liquidités, amassant au passage d'immenses fortunes dans la crainte qu'un jour les marchés ne se retrouvent de nouveau à court de capitaux. Depuis le début de l'année, cette appréhension semble s'être totalement dissipée alors qu'un vaste mouvement de fusions et d'acquisitions a repris forme, notamment aux États-Unis.

Il ne se passe pas une semaine sans qu'une ou plusieurs nouvelles annonces de fusion ou d'acquisition fassent les manchettes des informations financières.

Pas plus tard que lundi, deux entreprises américaines se sont jointes au bal des consolidatrices lorsque la chaîne de magasins Dollar Tree a offert de débourser 8,5 milliards US pour acquérir sa rivale Family Dollar, une entreprise pourtant plus grosse qu'elle.

Le même jour, le site américain internet d'évaluation immobilière Zillow offrait de payer 3,5 milliards US pour racheter son concurrent Trulia, une cible convoitée depuis huit ans par son président.

Ces deux transactions d'un jour viennent s'ajouter à une longue liste de propositions semblables qui ont été annoncées depuis le début de l'année et qui portent, selon l'agence financière Bloomberg, la valeur totale des opérations de fusions et acquisitions conclues en 2014 à 1100 milliards US.

En l'espace de six mois, les offres d'achat déposées ou réalisées par des entreprises américaines surpassent en valeur la totalité des transactions réalisées au cours de l'année 2013. Et le mouvement ne semble pas en voie de s'essouffler.

Ce réveil soudain - ou cette sortie de torpeur - des grandes entreprises américaines était attendu depuis un petit bout de temps déjà.

Les 2300 plus grosses entreprises privées américaines, non actives dans le secteur financier, disposaient en début d'année de liquidités accumulées de plus de 2000 milliards.

Même si une bonne proportion de cette trésorerie exceptionnelle reflétait tout simplement un abaissement de la valeur de leurs stocks réparti sur plusieurs années, il n'en reste pas moins que le tout constituait une grosse concentration d'argent improductif.

Et le rebond de ce mouvement de fusions et acquisitions que l'on observe depuis le début de l'année n'a été financé qu'en partie par ce trésor de guerre accumulé de 2000 milliards.

Beaucoup d'entreprises consolidatrices ont plutôt décidé de profiter des conditions de financement extrêmement avantageuses pour réaliser leur expansion.

La tendance gagne le Canada

Ce phénomène observé depuis le début de 2014 aux États-Unis semble avoir un écho semblable au Canada, mais pas nécessairement avec une amplitude comparable.

L'actualité toute récente nous a fait les témoins d'un certain regain d'activité de fusion et d'acquisition initié par des entreprises canadiennes.

Le cas le plus spectaculaire étant sans conteste la tentative d'acquisition d'Allergan, fabricant américain de Botox, qu'a entreprise la société lavalloise Valeant en avril dernier. L'offre de Valeant évaluée à 53 milliards US devrait connaître des développements prochains alors que la date butoir du 15 août approche à grands pas.

Plus près de chez nous, la société Lassonde de Rougemont a réalisé, au début du mois, l'acquisition d'Apple&Eve, le plus important producteur privé de marques nationales de jus aux États-Unis. Une transaction de 150 millions US.

Au cours du même mois de juillet, la coopérative laitière Agropur a annoncé trois acquisitions: quatre usines dans l'ouest du pays, une usine au Nouveau-Brunswick et enfin le transformateur laitier américain Davisco Food International dans ce qui a été décrit comme la plus importante transaction de son histoire. On parle ici d'achats dépassant largement les 500 millions.

La semaine dernière, le groupe Transforce annonçait qu'il allait débourser 495 millions pour acquérir son concurrent ontarien Contrans. Au début de juillet, Transforce réalisait aux États-Unis l'achat de Transport America au prix de 310 millions US.

Enfin, hier, le groupe montréalais de jeux Amaya a obtenu le feu vert en vue de conclure l'acquisition des marques PokerStars et Full Tilt Poker au prix de 4,9 milliards US en marge d'une transaction qu'il avait annoncée le 12 juin dernier.

Cette activité soutenue vient confirmer les résultats d'un sondage publié lundi par la firme Grant Thornton, qui nous apprend que 45% des PDG canadiens qu'elle a consultés affirment avoir «sérieusement envisagé» au moins une acquisition au cours des 12 derniers mois.

Un pourcentage en hausse par rapport aux 39% obtenus l'an dernier, mais inférieur par rapport aux 55% des PDG américains consultés qui affirment avoir considéré sérieusement réaliser une transaction dans la dernière année.

Il n'en reste pas moins que 84% des PDG canadiens qui ont été sondés prévoient réaliser leur expansion par l'entremise de l'acquisition d'une entreprise au Canada alors que 27% prévoient réaliser un achat d'entreprise à l'étranger. De quoi nourrir l'actualité financière pour quelques mois au moins.