Le fonds d'investissement américain Fortress, nouveau propriétaire du réseau de chemin de fer qui traverse la municipalité de Lac-Mégantic, entend faire la démonstration qu'il est possible de transporter des matières dangereuses sur rail de façon sécuritaire. C'est du moins l'engagement que son mandataire a pris auprès de la municipalité qui panse encore les plaies de la tragédie qui l'a violemment frappée l'été dernier.

On le sait et on comprend leur intransigeance, les citoyens de Lac-Mégantic - et leur mairesse en première ligne - s'opposent fermement à ce que des convois pétroliers recommencent à traverser le centre-ville de leur paisible municipalité qui a basculé dans l'enfer en juillet dernier.

La mairesse Colette Roy-Laroche a rencontré cette semaine à Washington les autorités du département américain des Transports ainsi que des membres du Congrès qui se penchent sur les problèmes de la sécurité du transport ferroviaire, et plus particulièrement ceux qui entourent le transport du pétrole par rail qui prend une expansion fulgurante.

Hier, Mme Roy-Laroche était de retour à Lac-Mégantic où elle a rencontré John Giles, président de la Central Maine and Quebec Railway (CMQR), la nouvelle entreprise qui va exploiter le réseau de chemin de fer de l'ex-Montreal, Maine&Atlantic.

La CMQR appartient à la société Railroad Acquisition Holdings, filiale de Fortress Investment Group, un important fonds d'investissement basé à New York.

Le mois dernier, Railroad Acquisition Holdings a remporté la mise des enchères visant à liquider les actifs de la MM&A.

Une quarantaine de groupes s'étaient montrés intéressés aux actifs de la MM&A, et 18 acquéreurs potentiels ont été retenus dans le processus de vente.

La Central Maine and Quebec Railway a payé 17 millions US pour mettre la main sur le réseau de 770 kilomètres de voies ferrées qu'exploitait la MM&A au Québec, dans le Vermont et dans le Maine, ainsi que 35 locomotives.

«On est venus à Lac-Mégantic pour écouter, pour entendre et comprendre les préoccupations des citoyens et aussi pour présenter l'historique de notre organisation», m'a expliqué John Giles, à l'issue de la rencontre qu'il a eue avec les autorités de la municipalité.

Un redressement à réaliser

Sur l'historique ferroviaire de Fortress, il faut rappeler que le fonds d'investissement a détenu de 2007 à 2012 une participation de 60% dans le groupe Rail America, une société qui gérait 42 entreprises de chemin de fer en Amérique du Nord - dont 4 au Canada - sur un réseau de 7000 miles.

John Giles faisait partie de l'équipe de gestion de Rail America qui a considérablement amélioré les normes de sécurité et de fiabilité. Fortress est toujours propriétaire d'un chemin de fer en Floride qui relie Miami à Jacksonville.

«On va investir cette année 10 millions US pour restaurer l'état des voies ferrées, des traverses, des passages à niveau de notre réseau au Québec, dans le Maine et dans Vermont. On va renforcer de façon importante la sécurité et la fiabilité de nos actifs», précise-t-il.

On le sait, la MM&A n'a jamais été reconnue comme une entreprise très prévoyante. Elle investissait de façon minimale, même pas suffisamment pour assurer la simple mise à niveau de ses installations.

«On va rendre notre réseau plus efficace. On va investir dans la formation de nos équipes et on va relever les normes de fiabilité et de sécurité», dit le PDG.

La Central Maine and Quebec Railway compte se départir de 25 des 35 locomotives de la MM&A et entend en racheter une quinzaine de nouvelles.

Cela dit, John Giles prévoit aussi recommencer à transporter des marchandises dangereuses sur son réseau de chemin de fer, dont évidemment du pétrole brut puisqu'il s'agit du produit qui génère la plus forte croissance de revenus pour tous les transporteurs ferroviaires.

«On s'est engagés auprès de la mairesse à ne pas transporter de matières dangereuses tant que l'on n'aura pas terminé la modernisation et la sécurisation de nos actifs. Après, on verra. On va d'abord démontrer la fiabilité de notre réseau avant de faire quoi que ce soit», assure-t-il.

La mairesse et les citoyens de Lac-Mégantic souhaitent la construction d'une voie de contournement qui permettrait aux convois de ne pas passer par le centre-ville de la municipalité.

Le dossier est entre les mains du gouvernement fédéral qui pourrait puiser à même son budget d'infrastructures pour réaliser cette voie. Sinon, le pétrole va, un jour prochain, circuler de nouveau dans Lac-Mégantic.