L'annonce officielle de sa candidature pour le Parti québécois (PQ) dans Saint-Jérôme a confirmé l'intuition que bien des gens nourrissaient au sujet de Pierre Karl Péladeau. Son ambition ultime est de succéder à Pauline Marois et de devenir un jour premier ministre du Québec... tout en conservant l'absolu contrôle de Québecor, l'empire médiatique qu'a bâti son père.

Évidemment, tout ceci n'est que fiction. Le premier intéressé l'a d'ailleurs bien expliqué, hier, en conférence de presse.

Il doit d'abord se faire élire comme député de Saint-Jérôme avant de pouvoir spéculer sur ce que l'avenir lui réservera. Il ne faut tout de même pas brûler les étapes...

Mais il est bien certain que Pierre Karl Péladeau ne se contentera pas d'un simple poste de ministre du Développement économique dans un éventuel gouvernement péquiste.

D'être l'égal d'une vingtaine de ministres au sein d'un cabinet alors qu'il a déjà siégé au comité des priorités sans être élu?

Ce n'est pas dans la nature de l'homme. Oui, il pourra se contenter d'un rôle de second violon durant quelques années, mais pas vraiment plus.

Lui qui a demandé à ses principaux médias québécois de se lancer dans une interminable série intitulée «Le Québec dans le rouge» pour dénoncer toute aide gouvernementale, qui n'était rien d'autre, selon eux, que du gaspillage de fonds publics, affichera-t-il la même pugnacité au sein du cabinet d'un gouvernement social-démocrate?

La fin de cette fameuse série est d'ailleurs survenue peu de temps après que le gouvernement de Jean Charest a annoncé qu'il allait assurer l'essentiel du financement de 400 millions pour la construction d'un nouvel amphithéâtre à Québec, dont Québecor a obtenu le mandat de gestion pour une durée de 25 ans.

Depuis qu'il a succédé à son père à la direction de Québecor, Pierre Karl Péladeau ne s'est jamais non plus particulièrement illustré comme un gars d'équipe.

Dans bien des dossiers - qu'il s'agisse de relations de travail, de conflits juridiques ou de sa volonté de se porter acquéreur du Canadien de Montréal - , il a maintes fois passé outre les recommandations de certains des membres de son conseil d'administration pour faire à sa tête.

Chose certaine, l'homme a eu jusqu'à ce jour une indéniable habileté à obtenir ce qu'il désirait.

Lorsqu'à la fin des années 90, il a réussi l'acquisition coûteuse de la chaîne de journaux Sun Media pour élargir son empire au Canada anglais - transaction que son père n'aurait pu réaliser tellement il était identifié au «French separatist mouvement» - , il avait commencé son discours dans la salle de rédaction du Toronto Sun par un vibrant: «It's a great day for Canada»...

Pour mieux poursuivre son expansion canadienne et réaliser plus tard l'acquisition de la chaîne de journaux Osprey, Pierre Karl Péladeau a aussi utilisé les services et la compétence de Brian Mulroney, qui a été président du conseil de Quebecor World et aussi président du conseil de Québecor. Un important allié qui n'a jamais affiché une grande sympathie pour le mouvement souverainiste.

L'impact sur Québecor

Enfin, même si Pierre Karl Péladeau avait déjà pris ses distances des activités courantes de Québecor en démissionnant l'an dernier de son poste de PDG du conglomérat, il a officiellement quitté hier les différentes fonctions qu'il occupait toujours dans l'entreprise dont il est l'actionnaire de contrôle.

Il a ainsi démissionné de ses postes de président du conseil de TVA, de président du conseil de Québecor Média et de vice-président du conseil de Québecor. Une omniprésence qui témoignait tout de même d'un certain intérêt à ne pas perdre de vue les différentes composantes de l'empire.

Il est bien certain que s'il est élu le 7 avril prochain député péquiste de Saint-Jérôme, Pierre Karl Péladeau n'aura d'autre choix que de confier ses actifs à un fiduciaire.

Qu'il s'agisse d'une fiducie sans droit de regard ne changera rien au fait que Pierre Karl Péladeau restera de facto le principal propriétaire du plus gros groupe de presse québécois.

Le principal intéressé a beau dire qu'il ne s'occupera plus de la gestion du groupe et que ses mandants se chargeront de le gérer en toute indépendance, il en demeurera le patron. Cette réalité est tellement internalisée chez Québecor que tous les cadres de l'entreprise savent ce qu'ils doivent faire pour ne pas perdre leur emploi.