Le Fonds de solidarité de la FTQ avait un besoin urgent de se refaire une virginité à la suite de la défloraison en règle dont ont fait l'objet ses dirigeants au cours des derniers mois d'audiences de la commission Charbonneau. On a tenté le coup jeudi en annonçant une série de mesures pour redresser la gouvernance de l'institution et on a sacrifié le PDG Yvon Bolduc, parce que toute bonne purge exige du sang... neuf.

Les conversations sur écoute électronique de certains dirigeants du Fonds de solidarité, entendues à la commission Charbonneau, nous ont appris combien le fonds de travailleurs composait avec une éthique poreuse et largement infiltrée par la culture syndicale de proximité et de favoritisme de la FTQ.

Que le PDG Yvon Bolduc se rende compte et avise, paniqué, le président de la FTQ Michel Arsenault que c'est le Fonds de solidarité qui a financé indirectement la moitié du coût d'acquisition du luxueux yacht de Tony Accurso, était en soi assez pitoyable.

Et que les deux hommes conviennent spontanément qu'il faut à tout prix garder secrète cette information démontre à quel point les dirigeants du Fonds naviguaient loin de leur mandat d'origine qui est, rappelons-le, de créer et maintenir des emplois tout en participant au développement économique du Québec.

On comprend aussi pourquoi Michel Arsenault s'est tellement acharné à tenter d'interdire la diffusion de ces conversations captées à son insu et pourquoi il a démissionné deux mois avant son témoignage à la commission Charbonneau.

On comprend enfin pourquoi le Fonds a largué jeudi Yvon Bolduc. Son cafouillage sur écoute électronique faisait de son congédiement la démonstration parfaite de la volonté réelle de changement qui anime maintenant l'institution.

Urgence d'agir

Parce que le Fonds de la FTQ était pressé d'agir. En pleine campagne de souscription annuelle avec l'objectif annoncé de recueillir au moins 750 millions de dollars d'argent frais, le fonds syndical ne pouvait plus supporter toute la publicité négative entourant ses graves carences de gouvernance.

Depuis un an, rares ont été les nouvelles qui pouvaient rassurer les épargnants-actionnaires quant à la solidité de leur investissement. La réalisation d'un rendement de 7,4% pour la dernière année de calendrier a été à peu près la seule note positive des 12 derniers mois.

Le Fonds devait aussi répondre à l'ultimatum que lui avait lancé, en novembre dernier, la Commission des finances publiques du Québec, qui exigeait des mesures de renforcement de gouvernance additionnelles à celles qui avaient été mises en place en 2009. Le Fonds devait répondre avant le 31 mars, il l'a fait jeudi.

Mais, plus encore, le Fonds était pressé d'annoncer un coup de barre significatif parce que ses dirigeants cultivent encore un peu l'espoir de voir le gouvernement fédéral revenir sur sa décision d'abolir son crédit d'impôt de 15% sur les fonds de travailleurs à partir de 2015 pour le ramener à 0 en 2017.

À cet égard, les mesures annoncées jeudi par les dirigeants du Fonds ne seront d'aucune utilité dans leur incessante campagne de lobbying.

Une source proche du bureau du premier ministre Harper m'a récemment confirmé que le dossier du Fonds de solidarité était maintenant définitivement clos à Ottawa.

C'est pour des raisons idéologiques que le gouvernement Harper avait décidé d'abroger la généreuse échappatoire fiscale assortie aux fonds de travailleurs.

Si les élus à Ottawa avaient pu être sensibilisés par la forte mobilisation du monde des affaires québécois qui plaidait pour le maintien des avantages fiscaux des fonds de travailleurs de la FTQ et de la CSN, les révélations des derniers mois entendues à la commission Charbonneau ont brutalement mis fin à tout mouvement de compassion. Le dossier est fermé.

La mauvaise gouvernance et l'influence indue de certains leaders sans scrupules de la FTQ ont causé un tort immense au Fonds de solidarité, et les correctifs proposés jeudi ne sont qu'un pas sur le long chemin de la réhabilitation.

C'est aussi un peu dommage que le PDG Yvon Bolduc ait été désigné l'agneau sacrificiel de ce processus réparatoire.

Pour l'avoir maintes fois rencontré, Yvon Bolduc était toujours un peu mal à l'aise et embêté d'avoir à composer avec certains électrons libres de la FTQ et d'avoir à sans cesse défendre la probité de l'institution qu'il dirigeait.

Pendant ses huit années à la présidence du Fonds, il a activement participé à la modernisation et à la diversification de l'institution. Mais il fallait du changement.

«C'est des changements qui sont significatifs et vraiment importants. [...] Ce qu'on souhaite, c'est que le Fonds puisse retrouver ses lettres de noblesse. C'est un des plus importants leviers économiques du Québec, et il est capital que le Fonds ne soit soumis à aucune pression ou influence indue.»

- Lise Thériault, porte-parole du Parti libéral en éthique

«[Mme Marois] va devoir s'expliquer sur le deal avec son mari, M. Blanchet. Elle va devoir aussi s'expliquer sur la teneur de son tête-à-tête avec Michel Arsenault. Comme ministre, je n'ai jamais rencontré aucun président de centrales syndicales seul à seul. Ce n'est pas logique. Quand on rencontre un président de centrale syndicale, il y a des attachés politiques, il y a un ordre du jour...»

- Lise Thériault, porte-parole du Parti libéral en éthique, qui se demande si Mme Marois a demandé au président de la FTQ «d'investir dans Capital BLF», une société qui appartenait à son mari.

«Le gouvernement doit s'assurer que toutes les décisions du Fonds seront prises dans l'intérêt de ses 600 000 actionnaires et de la réalisation de sa mission de développement économique. C'est pour répondre à cet objectif que nous déposerons prochainement un projet de loi afin de modifier la Loi constituant le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec.»

- Nicolas Marceau, ministre des Finances

«Nous sommes très satisfaits des mesures qui ont été proposées par le comité indépendant, la nomination intérimaire de M. Parizeau, l'indépendance de la présidence, le nombre d'indépendants. Il y a plusieurs points qu'on retrouve qui sont la base du projet de loi que nous avions préparé et que nous allions déposer la semaine prochaine.»

- Christian Dubé, porte-parole de la Coalition avenir Québec en matière de finances, qui presse le gouvernement péquiste de changer la loi avant la prochaine campagne électorale.