Bon, les snowbirds et les autres adeptes des plages du Sud ne partageront sûrement pas mon avis, mais la dégringolade que subit le dollar canadien depuis le début de l'année, et qui lui a pratiquement fait franchir le seuil des 92 cents US hier, est un événement extrêmement positif pour nos entreprises manufacturières, un influx d'oxygène réparateur.

Même si elles ont appris à vivre depuis le milieu des années 2000 avec un dollar canadien qui s'échange à parité avec sa contrepartie américaine, les entreprises manufacturières québécoises vont profiter du mouvement baissier qui affecte le huard et qui devrait l'amener, selon le consensus des économistes, à se maintenir pour les six prochains mois autour de la marque des 90 cents US.

Le dollar canadien a amorcé sa lente mais constante descente au début de l'an dernier. Après avoir débuté 2013 légèrement au-dessus du dollar américain, le huard n'a cessé de perdre de l'altitude en raison de la faiblesse des prix des matières premières et d'une économie canadienne qui progresse sans grande conviction.

Ces deux principaux facteurs pèsent toujours sur l'évaluation de notre dollar, mais leur impact a été amplifié cette semaine par la publication de différents indices: aggravation du déficit commercial canadien en novembre, neuf fois plus élevé que prévu, recul des mises en chantier et des livraisons de permis de bâtir.

Et c'est le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, qui a parti le bal dimanche, en déclarant que la Banque du Canada l'avait avisé que le dollar canadien allait encore reculer en 2014, avant d'enchaîner en signalant qu'il s'agissait d'une bonne chose pour les entreprises canadiennes.

Si le ministre Flaherty a été audacieux et nettement plus disert que le gouverneur de la Banque du Canada - qui ne commente jamais l'évolution de la devise canadienne -, il a toutefois eu raison d'affirmer que l'affaiblissement du dollar canadien allait profiter à l'économie canadienne.

Notre dollar a atteint son creux historique le 17 janvier 2002 lorsqu'il est tombé sous les 62 cents US avant de clôturer à 62,12 cents US. Malgré l'éclatement tout récent de la bulle technologique, l'économie numérique était encore totalement dominante. Le Canada et son économie basée sur les ressources naturelles apparaissaient comme un curieux archaïsme.

Le prix d'une devise forte

Pourtant, en 2002, les entreprises manufacturières du Québec profitaient à plein de cette devise déprimée pour inonder le marché américain. C'est en 2002 que le Québec a enregistré son plus fort excédent commercial, soit 1,5 milliard de dollars, sur une base douanière, soit tous les produits qui transitent aux douanes.

Depuis 2002, le solde commercial n'a cessé de décliner pour devenir négatif depuis 2007. L'an dernier, le Québec a enregistré un solde négatif de 700 millions.

En 2002, le secteur manufacturier comptait pour 22% du produit intérieur brut (PIB) québécois. L'an dernier, les entreprises manufacturières ne contribuaient plus que pour 12% de toute l'activité économique québécoise.

La vigueur de dollar canadien n'explique évidemment pas à elle seule cet inquiétant déclin.

La crise de 2008-2009, le très lent retour à la normale de l'économie américaine, l'affaissement des prix des matières premières (et de nos exportations de bois, de papier et d'aluminium) ont aussi lourdement contribué à la détérioration de l'apport du secteur manufacturier au PIB québécois.

Il n'en reste pas moins que les manufacturiers et exportateurs ne l'ont pas eu facile lorsque le dollar canadien a réalisé son spectaculaire redressement par rapport au billet vert américain.

Fouetté par l'essor fulgurant des économies émergentes et la hausse spectaculaire des prix du pétrole, le pétrodollar canadien est passé, en 2002, d'un plancher historique de 62 cents US à un plafond record de 1,10$US, en 2007, juste avant que ne survienne la pire crise économique des 50 dernières années.

Le choc de la devise a été brutal et même fatal pour les manufacturiers en 2005, 2006 et 2007 lorsque le dollar n'arrêtait pas sa progression. Depuis, ceux qui sont toujours en affaires ont appris à vivre avec un dollar à parité, mais le recul actuel du huard est tout à fait bienvenu.

«Les manufacturiers, particulièrement les PME exportatrices qui n'ont pas d'instruments financiers pour se protéger contre les fluctuations du dollar, vont en profiter.

«Elles vont améliorer leur marge bénéficiaire mais elles devront réinvestir cet argent pour poursuivre leur modernisation afin d'être compétitives dans le processus de la reprise aux États-Unis», souligne Simon Prévost, président des Manufacturiers et exportateurs du Québec.

Car même si il est le bienvenu, le dollar canadien à 90 cents US ne sera pas éternel.