L'entente de principe sur l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne, qui doit être signée aujourd'hui, est le résultat d'une longue et laborieuse négociation qui a forcé les deux parties à jeter du lest. Aussi imparfait que soit le résultat final de ce processus, le Québec sortira gagnant de l'implantation de ce nouvel accord commercial.

Il a fallu un an de négociations pour que le Canada conclue, en octobre 1987, son premier accord de libre-échange avec les États-Unis. Les négociateurs des deux pays avaient convenu d'un échéancier serré de rencontres sectorielles, doublé d'une date butoir au-delà de laquelle tout le processus tombait à l'eau si aucune entente n'était intervenue.

Pour arriver à l'entente de principe que signeront aujourd'hui Stephen Harper et José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, il aura fallu plus de quatre années de discussions ardues.

La volonté de conclure un accord de libre-échange Canada-Union européenne remonte à plus loin que 2009. C'est à la fin des années 90 que le Canada et l'UE ont entrepris les pourparlers en vue d'une plus grande libéralisation de leurs échanges commerciaux.

Ce premier rapprochement a toutefois été rapidement suspendu par le déclenchement du cycle de négociations de Doha par l'Organisation mondiale du commerce.

Devant le cul-de-sac de ces négociations multilatérales qui visaient essentiellement à accélérer le développement économique dans les pays les plus pauvres de la planète, c'est l'ex-premier ministre Jean Charest qui a amorcé la reprise des négociations Canada-Union européenne en janvier 2007, lors du Forum économique mondial de Davos.

Le premier ministre Charest, qui avait préalablement discuté avec Stephen Harper de l'opportunité de relancer ces négociations, avait sondé le terrain avec le ministre allemand de l'Économie et le commissaire au Commerce de la Commission européenne, qui s'étaient tous deux montrés extrêmement intéressés à reprendre le dialogue.

À Davos, Jean Charest avait rappelé que l'ouverture du plus important marché économique au monde, avec ses 500 millions d'habitants, représentait une opportunité unique pour le Québec de devenir la tête de pont entre l'Europe et le marché américain.

En 2007, le projet de Jean Charest était de conclure un accord en vue d'une libéralisation totale des échanges commerciaux entre le Canada et l'Europe, mais un accord qui allait exclure l'agriculture.

Un accord fromager

On le sait maintenant, le projet de Jean Charest a passablement évolué avec le temps et c'est justement l'agriculture - et l'ouverture que le Canada veut faire aux fromages européens - qui vient d'ouvrir un important front de contestation.

Les producteurs québécois de lait et de fromages ont l'impression - avec raison - d'avoir été sacrifiés dans le jeu de la négociation. Au même titre que les producteurs de boeuf et de porc européens qui vont faire les frais de l'abolition des tarifs sur les produits canadiens.

En matière de commerce international, l'agriculture reste le secteur économique le plus difficile à encadrer, tellement il est l'objet d'appuis financiers publics de tous ordres, que ce soit par l'entremise de subventions directes ou de systèmes de gestion de l'offre.

Le gouvernement fédéral émet l'hypothèse que l'ajout de milliers de tonnes de fromages européens va être absorbé par la hausse importante de la consommation que l'on observe au pays. Si c'est le cas, cela signifie tout de même qu'il n'y a plus de possibilité de croissance pour les producteurs canadiens, ce qui n'est pas très sain.

Mis à part l'irritant de l'agriculture, la conclusion d'un accord de libre-échange Canada-Union européenne va être bénéfique pour le Québec, qui compte à lui seul pour 35% de toutes les exportations canadiennes vers l'Europe.

La conclusion d'une entente devrait générer une hausse de 20% des échanges commerciaux entre les deux entités économiques, selon les prévisions du gouvernement fédéral, et entraîner la création de 80 000 emplois.

Le rêve de Jean Charest de faire du Québec la tête de pont entre l'Europe et les États-Unis ne se réalisera toutefois que très partiellement, étant donné que l'UE veut maintenant sceller un accord de libre-échange avec les États-Unis.

L'expérience acquise durant la négociation avec le Canada nous permet de croire que l'Union européenne sera en mesure d'arriver à une entente avec les États-Unis beaucoup plus rapidement qu'elle ne l'a fait avec ses voisins du Nord.