Confronté à une économie quasi stagnante et à une situation de l'emploi elle aussi stationnaire, mais qui risque rapidement de se détériorer, le ministre des Finances, Nicolas Marceau, a entrepris de repartir la machine, de brasser la cabane, de donner un coup de barre, bref, de secouer un peu une conjoncture économique capricieuse et difficile à lire.

En entrevue à La Presse, Nicolas Marceau ne cherche pas à prendre de détours. L'économie québécoise traîne la patte, et il lui fallait affronter deux types de défi: le premier, à court terme, conjoncturel et le second, à plus long terme, structurel.

Le gouvernement Marois entend donc adopter des mesures budgétaires et fiscales totalisant 2 milliards de dollars au cours des trois prochaines années qui devraient créer plus de 40 000 emplois et générer 13 milliards en investissements.

Pourquoi ne pas avoir tout simplement déposé un budget plutôt que de proposer une politique économique comme il l'a fait hier?

«On voulait articuler une politique industrielle à partir d'enjeux que notre programme électoral avait déjà définis, comme celui de l'électrification des transports. Même si certaines mesures de notre politique économique s'appliquent immédiatement, elles n'auront pas d'effets sur le cadre financier de l'exercice en cours», explique le ministre Marceau.

Les mesures fiscales annoncées hier vont s'échelonner jusqu'en 2017, mais leur impact budgétaire - le manque à gagner du gouvernement - ne sera que de 282 millions en 2014-2015, 198,4 millions en 2015-2016 et 145,5 millions en 2016-2017, selon les prévisions de la politique économique du ministre, puisqu'elles vont générer des revenus à partir de leur mise en application.

PME et exportations

À court terme, la politique économique du gouvernement Marois cherchera à stimuler l'emploi en devançant de trois ans la réalisation de travaux de rénovation d'infrastructures publiques, telle la réfection d'écoles et de centres sportifs et communautaires, à même le budget du Plan québécois d'infrastructures.

La création d'un crédit d'impôt pour les ménages qui veulent réaliser des travaux de rénovation verte à leur propriété vise à susciter des dépenses de plus de 500 millions dans le secteur de la construction au cours des 12 prochains mois.

À plus long terme, la politique économique du Québec dévoilée hier mise surtout sur une contribution plus importante des PME du secteur manufacturier. Le ministre Marceau a bonifié de 10% le crédit d'impôt à l'investissement des PME tout en élargissant la portée de ce congé fiscal.

«Les PME obtenaient un crédit d'impôt pour l'achat de machinerie et d'équipements. Le crédit à l'investissement va couvrir la construction d'un bâtiment et les dépenses pour l'achat d'équipements en vue d'informatiser leur production. En plus, on va créer un crédit d'impôt de 25% pour les dépenses en technologies de l'information», précise Nicolas Marceau.

Les PME jouent un rôle économique plus important au Québec qu'ailleurs au Canada et aux États-Unis. Elles doivent se moderniser et hausser leur productivité pour participer davantage au bilan des exportations québécoises.

C'est que le Québec doit absolument hausser le solde de sa balance commerciale. Les exportations de biens et services, qui comptaient pour 51% du produit intérieur brut (PIB) québécois en 2006, n'en représentent plus que 45,8% aujourd'hui.

Le Québec réalise ainsi 20 milliards de ventes à l'étranger de moins qu'il y a cinq ans. L'objectif, ambitieux, de Nicolas Marceau est de ramener à 55% la part des exportations dans le calcul du PIB québécois. Ce qui se réalisera dans un horizon beaucoup plus lointain que 2016-2017, admet toutefois le ministre.

Les surplus comme levier

Enfin, le dernier grand axe de la politique économique du ministre mise sur l'abondance des surplus d'énergie que produira Hydro-Québec au cours des 10 prochaines années.

À court terme, soit d'ici trois ans, le ministre Marceau est confiant de générer pour 1,6 milliard de dollars de nouveaux investissements d'entreprises qui voudront profiter de tarifs d'électricité préférentiels, en deçà du tarif L de 4,6 cents le kilowattheure, accordés aux entreprises énergivores.

«On a des surplus. On peut voir ça comme un problème ou une opportunité. On veut faire du démarchage international avec une grille de tarifs compétitive et claire, et non pas avec des tarifs discrétionnaires comme c'est le cas présentement», observe Nicolas Marceau.

Est-ce que les contribuables québécois, qui doivent subir des hausses de tarifs résidentiels et financer l'achat de surplus par Hydro aux producteurs d'énergie éolienne, vont souscrire à ce que l'on vende au rabais l'électricité à de nouveaux acteurs industriels?

«On parle de 800 mégawatts qui vont être achetés pour financer le développement de l'industrie éolienne au Québec, comparativement à des surplus qui vont atteindre 50 térawattheures dans les 10 prochaines années. C'est marginal, mais une chose est certaine, la vente de nos surplus à un prix avantageux n'entraînera aucune hausse de tarifs», assure Nicolas Marceau.