Signe des temps ou simple reflet d'une réalité changeante, les clubs privés où les gens d'affaires avaient l'habitude de se rencontrer en toute quiétude n'ont plus la cote d'antan. Le Club Saint-Denis a fermé ses portes en 2009 et le Mount Stephen Club a mis la clé sous la sienne en 2011. Le Club Mont-Royal a lui aussi interrompu ses activités cet été, mais pour trois mois seulement, le temps de se refaire une beauté et de se remettre au goût du jour.

Mardi matin, Jacynthe Côté, présidente et chef de la direction de Rio Tinto Alcan mais aussi présidente du conseil du Club Mont-Royal, avait convié quelques journalistes pour souligner la réouverture de ce réputé et plus que centenaire club privé de la rue Sherbrooke Ouest.

Le Club Mont-Royal a donc rouvert ses portes cette semaine, après trois mois de travaux de rénovation, avec une salle à manger totalement redessinée, une nouvelle salle de réunion dotée d'équipements dernier cri et une cuisine entièrement reconfigurée selon les spécifications du réputé chef Normand Laprise, propriétaire du restaurant Toqué!

Jacynthe Côté ne cache pas que cette mise à jour était nécessaire pour raviver l'intérêt de ses 400 membres à le visiter plus fréquemment et surtout sur une base plus informelle que pour y tenir des rencontres d'affaires dans les salons privés, aménagés au deuxième étage de l'édifice patrimonial.

Parce qu'il faut bien l'avouer: si les clubs privés ont longtemps misé sur le caractère formel de leur accueil, de leur mobilier, de leur décor et même de leurs menus, ces particularités semblent aujourd'hui quelque peu désuètes. Le charme suranné des clubs privés d'antan cadre moins bien dans le monde très techno design de 2013.

«On a aussi assoupli certains règlements qui dataient. Les gens ne sont plus obligés de porter la cravate, et les téléphones intelligents sont acceptés dans la salle à manger. On pense même offrir des iPad à nos membres pour qu'ils puissent lire leurs journaux. On vit à notre époque», expose Jacynthe Côté.

C'est pour cette raison également que le Club Mont-Royal a demandé au chef Normand Laprise de rester associé au Club en réactualisant le menu que l'établissement propose à ses membres.

Encore utile et pertinent

Malgré les fermetures successives et récentes du Club Saint-Denis et du Mount Stephen Club, en raison de leurs frais d'exploitation trop élevés et du déclin du nombre de leurs membres, Jacynthe Côté reste convaincue que les clubs privés comme le Club Mont-Royal ont encore et toujours un rôle à jouer.

En nous offrant de faire le tour du propriétaire, la présidente du conseil nous a introduit dans un des salons privés du deuxième étage, où les murs sont tapissés des photos de chacun des membres qui ont présidé le club depuis 1899.

Le Club Mont-Royal, qui a longtemps abrité exclusivement l'élite montréalaise anglophone du monde des affaires, est aujourd'hui composé d'une majorité de membres francophones.

«Un endroit comme le Club Mont-Royal a une valeur patrimoniale immense. C'est ici que les gens d'affaires qui ont participé activement à la construction de Montréal et du Québec se réunissent depuis plus d'un siècle. C'est une institution», insiste Jacynthe Côté.

Les travaux de rénovation qui ont été exécutés vont permettre, selon elle, de relancer une fonction qui accusait un certain déclin depuis quelques années, celle du réseautage.

«Les salles de réunion du Club sont toujours occupées. Mais la salle à manger du rez-de-chaussée recevait peu de visiteurs. Elle était austère et sombre. Elle est maintenant beaucoup plus invitante. Le menu que notre chef Jean-Michel Baudenon a concocté avec son ami Normand Laprise va aussi relancer l'achalandage», souligne Mme Côté.

Jacynthe Côté a manifestement posé le bon diagnostic et appliqué le bon traitement.

Tout de suite après ma visite du Club Mont-Royal, je devais dîner avec Geoff Molson, le président du Canadien de Montréal, en prévision de la grande entrevue de samedi de La Presse Affaires.

Je lui explique que je vais aller directement à la salade parce que je viens tout juste d'avaler une entrée de foie gras concoctée par les chefs Normand Laprise et Jean-Michel Baudenon, dans la toute nouvelle salle à manger du Club Mont-Royal, en lui indiquant que ces transformations visent à susciter un meilleur achalandage de l'endroit.

«Je suis content que tu me dises cela. Je suis membre du Club Mont-Royal et je n'y allais jamais parce qu'il n'y avait pas un chat. C'était un peu mort. Je vais aller voir ça, ça me donne le goût», a-t-il laissé tomber.

Vu de l'extérieur, on se demande à quoi peuvent bien servir ces clubs privés auxquels on ne peut accéder que si on est invité par un membre. Vu de l'intérieur, on comprend mieux.

«J'ai plusieurs de mes bons clients du Toqué! qui sont membres du Club Mont-Royal, observe le chef Laprise. Au Club, ils sont là pour discuter d'affaires, dans un cadre propice à cela, tandis qu'au resto, ils y viennent pour manger dans une ambiance beaucoup moins confidentielle.»