Il est beaucoup question, depuis une semaine, de l'entente qui est intervenue entre Ottawa et les gouvernements de l'Ontario et de la Colombie-Britannique en vue de la mise sur pied d'un Organisme coopératif en matière de réglementation des marchés de capitaux. Le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, vient ainsi de ressusciter sous une autre forme son projet de Commission des valeurs mobilières unique au Canada.

La Cour suprême avait mis fin aux prétentions de Jim Flaherty de vouloir créer une Commission des valeurs mobilières pancanadienne en rappelant à Ottawa que la réglementation des valeurs mobilières était de compétence provinciale. Le Québec et l'Alberta s'opposaient vivement à cette initiative que l'on croyait morte de sa belle mort.

Le ministre fédéral des Finances est pourtant revenu à la charge, la semaine dernière, avec une Commission des valeurs mobilières "coopérative" cette fois, où les provinces vont d'elles-mêmes déférer certains de leurs pouvoirs à une instance d'encadrement nationale.

C'est ce que l'Ontario et la Colombie-Britannique ont accepté de faire, alors que le Québec s'oppose toujours avec la même véhémence à la dilution des pouvoirs de l'Autorité des marchés financiers et à l'affaiblissement de son industrie des services financiers au profit de Toronto.

Ce n'est malheureusement pas le seul dossier où le ministre Flaherty fait preuve d'un certain acharnement qui va carrément à l'encontre des intérêts économiques du Québec. Il y a deux semaines, le ministère des Finances a déposé les propositions législatives contenues dans son budget du 21 mars en vue de les faire adopter durant la session parlementaire de l'automne.

Toutes les propositions législatives relatives à l'abolition graduelle du crédit d'impôt fédéral pour les fonds de travailleurs sont toujours à l'ordre du jour.

Dans son dernier budget et à la surprise générale, Jim Flaherty a soudainement décidé que le Fonds de solidarité de la FTQ et le Fondaction de la CSN n'avaient plus leur raison d'être et que l'abolition des avantages fiscaux auxquels avaient droit les contribuables-cotisants représentait une belle source de revenus fiscaux, soit 355 millions de dollars sur quatre ans.

Cette initiative budgétaire, sortie de nulle part, a soulevé un tollé dans les milieux d'affaires québécois. La chambre de commerce du Montréal métropolitain est montée aux barricades en ressortant les nombreuses études sur les retombées économiques que génèrent ces fonds de travailleurs, retombées qui annulent le coût fiscal de la mesure.

Consultations et projet de loi

Bon prince, le ministre Flaherty a annoncé, en marge de son budget, qu'il allait consulter la population et les groupes intéressés à partager leur point de vue sur la pertinence ou non d'abolir son crédit d'impôt de 15%. Des consultations ont été lancées en mai et elles se sont terminées le 23 juillet.

Au total, le ministre des Finances a reçu 44 mémoires, dont 37 en provenance du Québec qui réclamaient unanimement le maintien de cette échappatoire fiscale importante pour le développement des entreprises et de l'économie québécoise en général.

Au-delà de son rôle structurant dans l'écosystème financier québécois, les deux fonds de travailleurs sont des acteurs-clés du financement canadien en capital de risque. Richard Rémillard, directeur général de l'Association canadienne du capital de risque à Toronto, a vertement déploré la décision du ministre Flaherty.

En 10 ans, le Fondaction et le Fonds de solidarité ont injecté 1,4 milliard dans des fonds de capital de risque canadiens et étrangers, provoquant par le fait même un mouvement de flux de capitaux de l'étranger vers le Canada.

Jacques Bernier est responsable du Fonds Teralys, un fonds de fonds financé par le Fonds FTQ, la Caisse de dépôt et placement et Investissement Québec, qui finance des fonds privés de capital de risque qui investissent dans les technologies de l'information, les sciences de la vie et les technologies vertes.

«Je suis en total conflit d'intérêts, mais je suis totalement honnête en affirmant que le Fonds FTQ joue un rôle capital pour notre industrie. Comme fonds de fonds, on doit diversifier nos placements et prendre des participations dans des fonds étrangers.

«On a pris l'an dernier une position de 10 millions d'euros dans le Fonds Sofinnova et dans Iris Capital, deux fonds français. Mais depuis ce temps, Iris a dépêché un de ses chefs de placement à Montréal qui est lié à un fonds de 275 millions, financé par Orange et Publicis. C'est beaucoup de capital de risque étranger qui est mis au service de nos entreprises», souligne Jacques Bernier.

À Ottawa, on nous dit que le gouvernement étudie présentement les commentaires reçus durant l'été et qu'un avant-projet de loi sera publié sous peu.