Claude Péloquin n'a jamais eu la langue dans sa poche. L'auteur de Lindbergh, la chanson phare de Robert Charlebois, et du retentissant «Vous n'êtes pas écoeurés de mourir, bande de caves», gravé par Jordi Bonet dans la murale du Grand Théâtre de Québec, a toujours eu les mots pour seul gagne-pain.

Depuis bientôt dix ans, le poète les met au service des entreprises québécoises et se définit un peu comme le capteur d'âme du Québec inc. «La dernière paye que j'ai eue, c'est lorsque je "twistais" le pain chez Weston, à Longueuil, à la fin des années 50. Depuis cette époque, je n'ai jamais été salarié. J'ai commencé à écrire à Longueuil et à y faire mes premiers récitals», me raconte Claude Péloquin, de passage à La Presse pour me présenter les plus récents poèmes qu'il a composés pour une vingtaine d'entreprises du Québec inc., dont Canam, KPMG, Loto-Québec, R3D et Pixcom.

J'avais rencontré Péloquin une première fois il y a six ou sept ans lorsqu'il avait entrepris de formuler en poèmes la vision qu'il se faisait de la mission de certaines entreprises. Des odes au labeur, à l'acharnement, à l'ingéniosité, à la dévotion parfois et au mieux-être que produisent des gens d'ici avec des gens d'ici.

À l'époque, une poignée d'entreprises avaient donné le mandat à Péloquin de leur dévoiler les couleurs de leur âme avec ses mots qui tranchent et sa vision de poète. Parmi celles-ci, on retrouvait le Groupe Laperrière&Verreault, le Fonds de solidarité du Québec, le Groupe St-Hubert et le Cirque du Soleil.

Aujourd'hui, Péloquin a composé plus d'une vingtaine de poèmes qui se retrouvent bien en évidence dans le hall d'entrée d'autant d'entreprises.

On est loin des énoncés de mission classiques et proprets, formulés avec une économie de mots et desquels ne transpirent souvent que des voeux pieux qui pourraient être interchangeables d'une société à une autre.

«Je personnalise la raison d'être d'une entreprise. Je cherche à dire ce en quoi elle est unique, ce qu'elle apporte autant aux employés qui y travaillent qu'aux clients qu'elle dessert», résume Claude Péloquin, qui affirme du même souffle qu'il voue une grande admiration aux chefs d'entreprise qui "drivent".

«Il y a de la chaleur dans ce qu'ils font. Ce sont souvent des poètes, des créatifs qui arrivent à imposer un produit ou un service. Ce sont des gens passionnés. Moi, j'admire ça, un gars qui se pointe à sept heures le matin au travail parce qu'il veut que ça marche», renchérit le poète.

Guy Laliberté, l'instigateur

Cette vocation de poète de l'entreprise est née chez Péloquin au début de la décennie 2000 lorsque Guy Laliberté, fondateur du Cirque du Soleil, lui a demandé de formuler la vision qu'il avait de la mission de son entreprise.

«Je dois beaucoup à Guy Laliberté. C'est tout un créateur. Il m'a supporté et a tracé ma voie finalement. Peu importe la polémique au sujet du poème sur l'eau qu'il devait lire dans l'espace - ça s'est gâté quand son monde s'est mis dans le dossier -, il reste mon ami», souligne Péloquin.

Après son premier texte pour le Cirque du Soleil, un exercice dans lequel il a plongé avec un bonheur certain, il a été appelé à répéter l'expérience avec le même plaisir et le même enthousiasme.

«Je suis le seul au monde à faire ça. Je choisis des entreprises qui m'inspirent, j'appelle leur PDG et je prends rendez-vous. Je discute avec le président, je prends le pouls de son environnement et je passe à travers les rapports annuels pour bien m'imprégner de l'entreprise et là, j'écris», explique-t-il.

Certains PDG trouvent ça drôle de recevoir un appel de Péloquin; d'autres, qui ne le connaissent pas, veulent le rencontrer par curiosité. «Ils finissent par me demander: décris-moi notre monde, dis-nous comment tu nous vois», raconte Claude Péloquin, dans un large sourire.

Jusqu'à présent, aucun chef d'entreprise n'a refusé ses créations ni n'a demandé de modifier le texte qu'il lui a présenté.

«C'est une oeuvre que j'écris pour eux et pour leur entreprise, on ne peut pas y toucher», prévient-il. Après avoir publié 36 ouvrages, dont il a assuré la plupart des ventes lui-même, Claude Péloquin estime qu'il a trouvé une niche. Les poèmes qu'il crée pour les entreprises sont sa principale source de revenus aujourd'hui.

Au cours des prochaines semaines, il a rendez-vous avec une demi-douzaine de chefs d'entreprises qui sont intéressés à le rencontrer.

«Quand je rencontre le président, ça marche tout le temps. Dès que des gens de communications décident de s'en mêler, c'est sûr que le projet va foirer», a-t-il observé avec le temps. Un constat que pourraient partager bien des journalistes...

Cliquez pour lire le poème consacré à l'entreprise ArcelorMittal.