Encore cette année, le début des vacances estivales coïncide avec une soudaine et bien malencontreuse flambée des cours du pétrole assortie d'une hausse conséquente des prix de l'essence à la pompe. Un scénario qui n'est pas très original, mais que les pétrolières répètent, bon an mal an, de façon quasi rituelle et que les automobilistes subissent comme s'ils devaient payer une taxe spéciale sur leurs vacances.

Le prix du baril de West Texas Intermediate (WTI), le pétrole léger produit aux États-Unis, a franchi hier la barre des 100$US pour la première fois en un an. Le baril de Brent, celui qu'on importe d'Europe, du Moyen-Orient ou d'Amérique du Sud pour faire rouler les voitures des automobilistes de l'Est du Canada, s'est pour sa part apprécié de 1,51$US pour clôturer à 105,57$US.

La situation trouble qui prévaut en Égypte est évidemment la raison principale qu'on évoque pour expliquer ce nouveau mouvement haussier des cours du brut. L'incertitude géopolitique permanente qui persiste au Moyen-Orient a d'ailleurs toujours été la justification la plus utile et la plus utilisée pour faire accepter les fluctuations soudaines de prix.

Quand ce n'est pas l'Iran qui menace de faire blocus pour empêcher les pétroliers de transiter par le détroit d'Ormuz, c'est le canal de Suez de l'Égypte qui risque d'être paralysé par les débordements appréhendés d'une guerre civile.

Ces risques sont bien réels et ils ont évidemment pesé au cours des derniers jours sur les marchés d'échanges. Les analystes ont eu hier d'autres motifs pour alimenter leurs inquiétudes. Les réserves de brut aux États-Unis ont chuté de 10,3 millions de barils la semaine dernière, alors qu'on anticipait une baisse de 2,3 millions de barils seulement.

Selon les analystes, cette demande de pétrole importante et imprévue est le signe que l'économie américaine a repris du tonus et que cette vigueur commandera une plus grande consommation d'énergie. Il faut donc prévoir une pression sur les prix.

Vers des prix records à la pompe

Devant pareil contexte, il ne faudrait pas se surprendre d'avoir à payer des prix records à la pompe. Déjà hier matin, bien avant que le baril ne franchisse le seuil psychologique des 100$US, les détaillants pétroliers de la région de Montréal avaient décidé de donner un grand coup en fixant à 1,40$ le prix du litre d'essence régulière.

Personne n'a fait le saut, parce que cette hausse s'inscrivait dans les traditionnelles - et arbitraires - augmentations de prix que les détaillants décrètent habituellement le jeudi, juste avant le week-end, pour pouvoir profiter à plein des nombreux déplacements des gens en congé.

Mais depuis quelques années, non seulement les pétrolières ont-elles tendance à hausser leurs prix durant les mois d'été, mais encore elles ont développé une réelle propension à les maintenir élevés et à imposer l'équivalent d'une taxe spéciale aux vacanciers.

En Amérique du Nord, c'est durant les mois d'été que la consommation d'essence atteint ses sommets de l'année. C'est à l'été de 2008, lorsque le baril de WTI avait atteint la marque record de 140$US, que le prix de l'essence ordinaire s'est vendu au prix record de 1,48$.

L'été dernier, les prix de l'essence sont restés élevés durant toute la période estivale, mais ils n'ont jamais franchi le seuil de 1,48$. Avec le mouvement de hausse des prix du brut qui s'amorce, on peut s'attendre à payer bientôt au-delà de 1,50$ pour le même litre d'essence qui se vendait 1,20$, la semaine dernière.

Selon Michael Dunn, analyste pétrolier à First Energy Capital de Calgary, le raffermissement des prix semble irréversible.

«Beaucoup de raffineries américaines qui avaient été fermées durant l'hiver pour réaliser des travaux de modernisation ou de maintenance fonctionnent aujourd'hui à plein rendement.

«Elles raffinent du pétrole qui vient du centre du pays, transporté par le pipeline Seaway qui va du Texas jusqu'à l'Oklahoma, ou par train, ce qui ne se faisait pas dans le passé», souligne l'analyste.

C'est la raison pour laquelle le baril de pétrole léger américain se transige aujourd'hui presque au pair avec le Brent étranger, alors qu'on observait il y a cinq mois un différentiel de 23$US entre les deux catégories de pétrole.

«Traditionnellement, l'été est la saison où les prix de l'essence sont les plus élevés parce que la consommation est forte. S'il y a des incertitudes politiques comme c'est le cas avec l'Égypte, la pression sur les prix est encore plus forte.»

La seule chose qu'on puisse souhaiter aux automobilistes vacanciers, c'est que le beau temps revienne au plus vite.