Disons-le simplement. Depuis quelques jours, la rondelle ne roule pas pour l'équipe Bombardier. Après avoir été éclipsée au récent Salon du Bourget par les géants Boeing et Airbus et même par Embraer, sa rivale de toujours, Bombardier aspirait à une rédemption en procédant cette semaine au vol inaugural de sa CSeries. Mais quand ça va mal, ça va mal.

L'avionneur montréalais a annoncé hier qu'il retardait d'un mois le premier vol de sa CSeries. Une décision qui n'a évidemment pas été prise à la légère puisque Bombardier avait nettement besoin d'une solide campagne de relations publiques pour relancer l'intérêt - et les éventuels acheteurs surtout - de ses nouveaux appareils.

La semaine dernière au Salon international de l'aéronautique du Bourget, Bombardier n'avait pas de nouvelles commandes à annoncer pour sa CSeries. Boeing, Airbus et Embraer ont, pour leur part, profité de l'événement pour meubler mur à mur leur carnet de commandes.

Dans le cycle de lancement d'un nouveau produit, Bombardier est donc arrivée à l'étape critique où son public cible attend juste de voir la promesse devenir réalité. Plusieurs clients qui ont publiquement déclaré leur intérêt pour cette nouvelle catégorie d'avions attendent juste de le voir voler.

Ce baptême de l'air est donc capital pour Bombardier, mais son report d'un mois m'apparaît tout à fait normal, compte tenu de la complexité de toutes les composantes technologiques qui sont en jeu et qui devront interagir durant les premiers essais en vol.

Chose certaine, ce petit retard d'un mois relève davantage de l'anecdote que de la catastrophe. Certains analystes, pris de panique, ont souligné hier que c'est la deuxième fois que Bombardier reporte le premier décollage de la CSeries, remettant en question la capacité de l'avionneur de livrer ce qu'il a promis.

Le vol inaugural, qui devait avoir lieu en décembre dernier, a été reporté de six mois. Cette annonce, à l'automne 2012, avait littéralement commotionné les plus puristes des analystes. Une réaction qui avait sidéré Pierre Beaudoin, PDG de Bombardier.

«Tout le monde a fait le parallèle avec les importants retards que venaient de vivre Airbus et Boeing avec le lancement de l'A-380 et du 787. On a maintenu l'échéancier de décembre en sachant que certains fournisseurs ne seraient pas prêts, mais il fallait continuer de mettre de la pression sur tout le monde pour ne pas multiplier les retards», m'a récemment expliqué en entrevue Pierre Beaudoin.

De vrais délais coûteux

Hier, ces mêmes experts de la courte vue en remettaient, au point où le titre de Bombardier a perdu plus de 4% en matinée avant de se ressaisir un peu pour terminer la séance en recul de 2,14%. Il s'agit d'une réaction totalement démesurée par rapport à un délai qui, lui, est tout à fait normal.

Parce qu'en définitive, ce que Bombardier a annoncé hier matin, c'est qu'elle était toujours en avance de près de deux ans par rapport aux plus récents lancements de nouveaux produits qu'ont réalisés ses concurrents.

Il faut se rappeler que le lancement de l'Airbus 380 a été décalé à de multiples occasions. Ce ne sont pas sept mois de retard qu'a accumulés le constructeur européen, mais bien quatre années.

Des retards qui se sont soldés par des abandons de commandes - FedEx a annulé sa commande de 10 Airbus et a acheté des Boeing 777 à la place; même chose pour UPS - et des dédommagements exigés par de gros clients comme Emirates.

Le Boeing 787 devait réaliser son premier vol en septembre 2007, mais c'est seulement à la fin de 2009 qu'il a fait ses premières sorties. La flotte de 787 est restée clouée au sol durant de longs mois, l'hiver dernier, en raison d'incidents successifs avec les batteries des appareils.

Enfin, l'Airbus 350, qui a volé pour la première fois la semaine dernière, notamment au-dessus du Bourget, devait au départ réaliser son vol inaugural en juin 2011.

L'Airbus 350 est pourtant un produit dérivé des A-330 et A-440, alors que les appareils de la CSeries sont des produits entièrement nouveaux.

Devant pareil palmarès, Bombardier n'a pas à avoir honte de prendre un délai d'un mois additionnel pour mieux tester les dizaines de nouveaux logiciels qui transformeront radicalement la vie des pilotes puisque l'essentiel des commandes se réalisera à partir d'un poste semblable à un iPad.

Bombardier aurait nettement préféré procéder à son vol inaugural cette semaine, ce qui aurait permis de remonter le moral de tout le monde. Retarder l'événement d'un mois n'est quand même pas la fin du monde.