Elles ne sont pas venues au Salon du Bourget pour annoncer de nouveaux contrats ni pour dévoiler à la presse internationale leur plus récente réalisation commerciale. La trentaine de PME québécoises - une délégation record - qui ont participé au Bourget l'ont d'abord fait pour y rencontrer clients et fournisseurs, mais surtout pour développer de nouvelles possibilités d'affaires. La Presse vous présente les chefs de trois de ces PME qui ont pris de l'altitude cette semaine dans la banlieue parisienne.

Si le public québécois a été un peu déçu par la discrétion de Bombardier au Salon du Bourget, la grande rencontre annuelle de l'aéronautique s'est révélée éminemment positive pour tous les acteurs de l'industrie.

Boeing et Airbus ont signé des commandes et options totalisant 128 milliards. Embraer a lancé sa nouvelle famille d'appareils de 70 à 130 places avec un nombre impressionnant de commandes et d'intentions et, enfin, Bombardier a quand même signé pour plus de 3 milliards en ventes possibles d'avions.

Toute cette activité signifie que les entreprises qui alimentent ces équipementiers géants vont avoir pour les prochaines années beaucoup de pain sur la planche. Les chefs de PME québécoises sont unanimes pour affirmer que le climat en bon.

Les matériaux composites ont la cote

Jacques Cabana est président de FDC Composite, une PME de Saint-Jean-sur-Richelieu qui fabrique des pièces et des structures en matériaux composites, tant pour le marché de l'aéronautique que pour celui du transport ferroviaire.

«Avant, je n'avais que des clients de l'aéronautique, mais j'ai réussi, l'an dernier, à décrocher un mandat de Bombardier pour sa nouvelle usine de tramways à São Paulo, au Brésil. Maintenant, mes ventes proviennent à 50% de chacun de ces deux secteurs, mais le contrat de fabrication de composantes du tramway de São Paulo a fait doubler mon chiffre d'affaires», a expliqué le PDG.

Les affaires vont bien pour FDC Composite, mais Jacques Cabana a passé la semaine à Paris pour trouver de nouveaux débouchés qui vont participer à la croissance de son groupe.

Les revenus de la PME ont doublé en 2012, et le nombre d'employés est passé de 30 à 50 et va atteindre les 60 bientôt, alors que les commandes signées assurent trois années de production.

«Ma participation au Bourget m'a permis de rencontrer de nouveaux clients potentiels. Les matériaux composites sont au coeur de la stratégie des manufacturiers qui veulent réduire le poids des appareils.

«Et pourtant, on est seulement cinq à faire du composite au Québec, alors qu'on dénombre pas moins de 150 usines qui travaillent le métal. Il y a un déséquilibre», observe-t-il.

Une situation dont il ne se plaint pas puisqu'il anticipe que ses revenus seront 10 fois plus élevés en 2013 qu'ils ne l'étaient en 2009. Son problème est de trouver les bons accords de financement qui assureront la poursuite de son expansion.

Devenir le premier fabricant Tier-2

Hugue Meloche est le PDG du Groupe Meloche, basé à Salaberry-de-Valleyfield. Son entreprise usine de petites pièces distinctives qui entrent dans la production des ailes, des moteurs, des portes et des fuselages.

Si le Groupe Meloche tire aujourd'hui 98% de ses revenus du secteur de l'aéronautique et de la défense, ce pourcentage était à zéro il y a 9 ans.

«C'est mon père qui a fondé l'entreprise il y a 40 ans. C'était le machine shop classique où mon père réalisait des pièces pour toutes sortes de clients. Le textile était fort dans la région, il faisait des pièces pour les machines de la Dominion Textile, puis ç'a été l'usine Goodyear qui était un gros client.

«Ces deux activités ont été rayées de la carte de la région. En 2004, on a commencé à prendre des contrats pour l'industrie aéronautique et à la suite d'une réflexion stratégique, en 2006-2007, on a décidé de s'y consacrer totalement», résume Hugue Meloche.

Le Groupe Meloche exploite aussi un atelier à Bromont qui dessert exclusivement l'usine de la General Electric qui fabrique des aubes de turbines à gaz.

Durant son passage au Bourget, Hugue Meloche a multiplié les rencontres avec les fournisseurs d'Airbus afin de se qualifier pour le plus grand nombre de projets possibles et il a profité de l'événement pour annoncer un investissement de 1,2 million dans l'automatisation de la production de son usine de Salaberry-de-Valleyfield.

La volonté de Hugue Meloche est de faire de son groupe le plus important Tier-2 de l'industrie québécoise. Les entreprises de Tier-1 fournissent directement les grands équipementiers, tandis que celles de Tier-2 alimentent ces fournisseurs.

Les robots ciblent les États-Unis

Éric Beauregard, PDG d'AV&R, une entreprise montréalaise qui conçoit et fabrique des équipements de robotique pour améliorer la productivité des entreprises manufacturières de l'aéronautique, est celui qui a été le plus emballé de son expérience au Bourget.

«C'est une vitrine exceptionnelle. Les plus grands joueurs sont tous là. Les PDG, les gars de production, les spécialistes techniques. Ça m'aurait pris un mois pour rencontrer nos clients en Allemagne, en Espagne, en France, à Singapour ou en Israël. Je les ai tous vus au Bourget», souligne-t-il.

Sa visite lui a aussi permis de rencontrer une entreprise américaine qu'il cible en vue d'une acquisition qui lui permettrait d'élargir sa présence sur le marché des États-Unis.

AV&R a d'ailleurs annoncé durant le Salon qu'elle avait fusionné avec le groupe d'ingénierie montréalais IMAC Automatisation.

«Avec nos 120 spécialistes, on est déjà devenus la plus grande firme de robotisation aéronautique du monde», laisse tomber à la blague Éric Beauregard.

«Nous aidons les usines à devenir plus performantes grâce à l'automatisation de leurs procédés de fabrication en utilisant des robots et des systèmes de vision numérique novateurs. On donne de l'intelligence aux lignes de production», enchaîne-t-il plus sérieusement.