Le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, a créé une certaine commotion hier lorsqu'il a mis en garde les grandes banques canadiennes des dangers de se lancer dans une guerre de taux hypothécaires, semblable à celle que se sont livrée les institutions financières américaines qui ont conduit à l'éclatement du marché immobilier aux États-Unis.

Dans une entrevue qu'il a accordée hier à un quotidien de Toronto, le ministre Flaherty n'a pas caché son inquiétude devant la baisse-surprise d'un dixième de point du taux hypothécaire fermé de cinq ans que venait d'annoncer la veille la Banque de Montréal.

BMO a réduit à 2,99% son taux hypothécaire fixe d'un terme de cinq ans assorti sur une période d'amortissement maximale de 25 ans. La banque avait déjà lancé ce type «d'hypothèque à petit taux» en 2010 et avait répété l'expérience avec un taux semblable de 2,99% en janvier 2012.

Ce taux d'appel promotionnel sera offert durant 90 jours et il coïncide avec l'arrivée imminente du printemps, une période traditionnellement active sur le marché immobilier résidentiel.

Un marché toutefois en réelle perte de vitesse depuis que le ministre Flaherty a donné un ultime tour de vis législatif, en juillet dernier, pour réduire l'emballement des prix du marché immobilier résidentiel canadien en raison des bas taux d'intérêt qui prévalent depuis bientôt cinq ans maintenant.

Rappelons que depuis 2008, le gouvernement de Stephen Harper a progressivement ramené de 40 ans à 25 ans, en juillet dernier, la durée maximale d'amortissement permise sur un emprunt hypothécaire.

Depuis septembre, le volume des ventes mensuelles de propriétés résidentielles a été en baisse constante mise à part une légère embellie enregistrée au cours du mois de janvier.

Le resserrement des conditions de crédit a principalement touché le marché des premiers acheteurs de maison et l'offensive promotionnelle de la Banque de Montréal vise à réanimer les acheteurs potentiels de cette frange du marché immobilier.

Le ministre Flaherty craint que la stratégie promotionnelle de la Banque de Montréal incite les autres institutions prêteuses canadiennes à se lancer dans une guerre de taux hypothécaires semblable à celle qui a torpillé le marché immobilier américain.

Des appréhensions excessives

Le ministre des Finances, tout comme le gouverneur de la Banque du Canada, répète depuis des mois que le très fort taux d'endettement des ménages canadiens et la surévaluation du marché immobilier résidentiel au pays présentent des risques certains d'une correction qui pourrait s'avérer très douloureuse pour une grande proportion de ménages vulnérables.

Si ces mises en garde sont appuyées par des faits réels et qu'elles sont nécessaires, les dernières appréhensions du ministre Flaherty quant à l'avènement d'une possible guerre des taux hypothécaires à la suite de la baisse d'un dixième de point d'un taux d'appel de la BMO sont pour leur part excessives.

La guerre qui a conduit à l'éclatement du marché immobilier américain a été alimentée par des institutions qui prêtaient jusqu'à 120% de la valeur d'une résidence à un taux d'appel alléchant qui se transformait rapidement en un taux insupportable à financer pour l'emprunteur.

«Notre produit s'adresse à des acheteurs qui doivent obtenir un financement maximal de 75% de la valeur de la propriété qu'ils achètent. Ils le font avec un taux plancher de 2,99% durant cinq ans et sur un amortissement maximal de 25 ans», souligne François Hudon, premier vice-président et directeur de BMO Québec.

Même si d'autres institutions emboîtent le pas à BMO, elles ne pourront accorder un taux inférieur à 2,99%, ce qui est tout juste en deçà de leur taux privilégié de 3%.

Si les banques acceptent de prêter à un taux inférieur à leur taux privilégié, c'est qu'elles espèrent que les nouveaux clients recrutés s'abonneront à d'autres services qu'elles ont à leur disposition.

C'est bientôt le printemps, le marché immobilier est au ralenti et la BMO a décidé de lancer une promotion ciblée et temporaire. Ce n'est certes pas le début d'une guerre de taux.