Quoi qu'en dise la direction de Rona (T.RON), l'ombre de l'américaine Lowe's (LOW) plane toujours au-dessus du groupe de quincailleries québécois et les gros actionnaires de Rona qui ont obtenu la tête de Robert Dutton souhaitent toujours qu'une transaction se réalise avec le géant américain pour qu'ils puissent empocher rapidement leur dû.

La majorité des analystes financiers qui suivent Rona sont unanimes depuis vendredi dernier pour affirmer que le départ de Robert Dutton rend beaucoup plus plausible l'éventualité d'une nouvelle offre d'achat en bonne et due forme de Lowe's.

Selon des informations qui nous ont été communiquées, Lowe's aurait même déjà soumis une nouvelle proposition au conseil d'administration de Rona, ce qui aurait contribué à précipiter le départ de Robert Dutton.

La direction de Rona a démenti cette information hier matin, tout en rappelant qu'elle avait pour politique de ne pas commenter les rumeurs. Les porte-parole de Lowe's aux États-Unis affirment eux aussi que le groupe américain n'a pas réactivé les pourparlers avec Rona depuis qu'il a retiré, le 16 septembre dernier, sa proposition d'acquisition qui avait été rendue publique par Rona le 8 juillet.

Il a été évidemment impossible d'avoir la version de Robert Dutton, qui a officiellement quitté ses fonctions de PDG vendredi matin. Depuis le 8 juillet dernier, jour où Robert Dutton a révélé que le conseil d'administration de Rona avait décliné une proposition d'acquisition amicale de Lowe's, ni l'ex-PDG ni aucun membre de la direction de Rona n'ont accepté de commenter la situation. Un mutisme qui a duré quatre mois, ce qui est aussi étrange qu'inexplicable compte tenu de la taille des enjeux.

Ce qui semble émerger de cette situation trouble, c'est que le conseil d'administration de Rona aurait finalement décidé d'écouter ses gros actionnaires institutionnels, notamment le groupe Invesco Trimark et les Fonds ABC, qui ont été échaudés par le rejet - sans consultation - de l'offre de Lowe's l'été dernier.

Ces gros actionnaires souhaitent une valorisation accélérée de leur investissement, ce que ne leur garantissait pas le plan de redressement qu'a élaboré et mis en branle l'ex-PDG Dutton et qu'avait pourtant accepté le conseil d'administration de Rona.

On se rappellera que le plan de Robert Dutton préconisait essentiellement le redéploiement des bannières Rona dans le commerce de proximité plutôt que de favoriser le maintien des mégacentres de rénovation.

Dans la foulée du dévoilement des résultats financiers de mercredi dernier, la direction de Rona a annoncé qu'elle suspendait la fermeture de 20 mégacentres de rénovation qui avait été planifiée et budgétée dans le programme «Nouvelles réalités, nouvelles solutions».

Il s'agit ici d'un signe non équivoque de la répudiation du plan Dutton ou de la volonté manifeste du conseil d'administration de Rona de satisfaire les attentes du plausible acquéreur Lowe's.

Chose certaine, si le départ de Robert Dutton semble faire l'affaire des gros actionnaires pressés de passer à la caisse, il ne fait pas l'unanimité chez les marchands du groupe qui ont investi 500 millions de leurs propres fonds dans le plan de relance.

«On sort d'une grande récession. Le commerce au détail et le secteur de la rénovation en particulier ont été passablement touchés au Canada comme aux États-Unis. C'est fou de penser à courte vue, en termes de trimestre. On avait un plan sur le long terme auquel on croyait», m'a confié hier l'un de ces marchands.

La direction de Rona doit justement rencontrer ses marchands propriétaires associés ou affiliés d'ici deux semaines pour leur expliquer son plan de match. Ils ont bien hâte de savoir où tout cet agiotage les mènera. Plusieurs de ces marchands sont convaincus que la seule proposition qui leur sera présentée sera celle de la valorisation instantanée.

Ce sont les pressions exercées par les gros investisseurs sur le conseil d'administration de Rona qui ont forcé le départ de Robert Dutton comme PDG du groupe de quincailleries et ce sont les gros actionnaires de Rona qui souhaitent toujours un rapprochement avec le groupe américain Lowe's.