Que ce soit ou non pour des raisons de stratégie pol it ique, les Québécois n'y échapperont pas. Ils seront sollicités pour une grande guignolée nouveau genre le 20 novembre prochain, un grand exercice budgétaire qui devrait permettre de rééquilibrer les finances passablement mal en point de l'État québécois.

Le ministre des Finances, Nicolas Marceau, a évoqué hier l'urgence de redresser les finances publiques québécoises pour justifier l'adoption d'un budget automnal précipité qui permettra de maintenir la réalisation de son objectif de ramener à zéro le déficit budgétaire en 2013-2014.

Plusieurs avancent que si le gouvernement péquiste devance ainsi le dépôt de son budget, c'est pour assurer sa pérennité en contraignant l'opposition libérale sans chef et désorganisée à voter en sa faveur. Ce qui ne serait pas nécessairement le cas en avril prochain après l'élection d'un nouveau chef à la direction du Parti libéral.

Si, d'un point de vue stratégique, il s'agit bel et bien d'un facteur non négligeable, cela signifie aussi que le budget du 20 novembre sera un budget en bonne et due forme, c'està- dire bien plus qu'un simple énoncé budgétaire bonifié.

Cela veut dire que le budget du 20 novembre devra mettre en branle le plein arsenal de mesures fiscales et budgétaires qui permettront à Nicolas Marceau d'atteindre ses cibles.

Ce qui implique que la réforme fiscale que doit entraîner l'abolition de la taxe santé de 200$ et son remplacement par la « contribution santé progressive» devrait entrer en vigueur à partir du 20 novembre et non pas au moment d'un éventuel nouveau budget au printemps prochain que pourrait répudier une opposition mieux organisée.

François Dupuis, économiste en chef du Mouvement Desjardins et vieux routier des budgets québécois, admet que la logique commanderait au ministre Marceau de décréter immédiatement les mesures fiscales qu'il a déjà annoncées.

«Habituellement, les mesures fiscales d'un budget prennent effet de façon immédiate. Ça devrait être le cas. Mais sur le fond, le contexte économique est nettement différent de ce que laissait présager la dernière mise à jour des libéraux. L'incertitude économique mondiale rattrape le Québec et le Canada, on le voit sur les chiffres du produit intérieur brut. Le ministre Marceau n'a pas tort de devancer le dépôt de son budget », constate François Dupuis.

Objectif zéro

Le moins que l'on puisse dire, c'est que le ministre des Finances a de la suite dans les idées et qu'il semble fermement résolu à maintenir le cap sur l'atteinte de l'équilibre budgétaire.

Dans une entrevue qu'il nous avait accordée le jour même de l 'élect ion du 4 septembre dernier, Nicolas Marceau avait affirmé ne pas être dogmatique ni prisonnier d'aucune chapelle économique particulière, mais avait concédé qu'il était toutefois fermement opposé à l'idée des déficits budgétaires.

«Un déficit, ce n'est pas normal. Il faut que ce soit exceptionnel. Surtout au Québec où nos finances publiques se sont passablement détériorées au cours des trois dernières décennies », nous avait-il confié.

C'est donc animé de cette conviction que le ministre Marceau est arrivé en poste et qu'il a pris connaissance, il y a un mois, de la situation exacte des finances du gouvernement du Québec.

Le 5 octobre dernier, il a dévoilé l'existence d'un trou additionnel de 1,6 milliard qui s'ajoutait au 1,5 milliard de déficit prévu pour l'exercice 2012-2013.

Essentiellement, au mois d'août dernier, les dépenses du gouvernement dépassaient de 1,1 milliard les prévisions budgétaires. À ce chiffre, i l fa l lait ajouter quelque 500 millions de manque à gagner prévisible en raison de la croissance économique plus faible que prévu.

Malgré ce nouveau contexte nettement défavorable, le ministre Marceau a annoncé qu'il allait maintenir son objectif d'arriver à l'équilibre budgétaire en 2013-2014 et qu'il allait néanmoins abolir la taxe santé de 200$ pour la remplacer par une «contribution santé progressive».

Cette contribution santé progressive fera en sorte que 2,1 millions de contribuables qui gagnent moins de 18 000$ par année seront totalement exonérés de son paiement. Les sala riés qui gagnent entre 20 000$ et 40 000$ par année vont payer 100 $ alors que ceux qui gagnent entre 40 000 $ et 130 000 $ vont payer 200$.

Les cont r ibuables qui gagnent plus de 130 000$ par année auront à payer jusqu'à 1000 $ de taxe santé. Enfin, tous les contribuables qui gagnent plus de 100 000 $ par année vont voir leur taux d'imposition provincial augmenter de 1,75% pour arriver à un taux combiné provincial et fédéral maximal de 49,9%.

On verra si toute cette nouvelle structure fiscale entrera en vigueur le 20 novembre prochain. Le gros de l'effort du prochain budget reposera toutefois sur le resserrement des dépenses, c'est là que laguignolée devrait le plus rapporter à Québec.