En 1983, à court de nouveaux projets mobilisateurs et sentant la fin de son long et autocratique règne arriver, le maire Jean Drapeau avait adopté un slogan pour requinquer le moral des Montréalais : «La fierté a une ville ». Trente ans plus tard, ce n'est pas d'un slogan que les citoyens de la cité ont besoin, mais d'un plan d'action qui permet à Montréal de profiter enfin pleinement de son incroyable potentiel.

C'est jour de budget à l'hôtel de ville de Montréal et ce ne sera certainement pas un grand jour de réjouissances pour les contribuables de cette ville autrefois reconnue pour ses 100 clochers, mais qui l'est davantage aujourd'hui pour ses 103 élus, dont 18 maires d'arrondissement, un cas rare en Amérique du Nord...

Ce ne sera pas aujourd'hui non plus que les Montréalais vont retrouver cette fierté que tenait tant à leur faire partager le maire Drapeau en 1983, au sortir d'une pénible récession et dans le sillage de la très humiliante faillite des Jeux olympiques de 1976.

Depuis quelques années maintenant mais de façon fulgurante depuis le début de la commission Charbonneau , c'est un sentiment de honte qui habite les Montréalais.

Chaque jour où i ls en apprennent un peu plus sur la façon dont est gérée leur ville, les Montréalais ont un peu plus honte d'être devenus les victimes et les otages faciles d'un système totalement vicié dont on n'a pas fini de découvrir tous les rouages.

La honte devrait normalement faire place à la colère aujourd'hui lorsque les contribuables montréalais prendront connaissance des nouvelles hausses de taxes foncières qu'ils auront à absorber pour assurer la bonne et saine gestion de leur ville.

Ce qui est le plus incroyable, c'est qu'en dépit des centaines de millions de dépenses totalement injustifiées que les Montréalais ont dû assumer au cours des dernières années en raison de dérapages individuels, technocratiques ou systémiques de l'administration municipale, la vitalité économique de Montréal reste bien réelle, signe d'une évidente résilience.

Jamais n'a-t-on vu autant de grues de construction dans le ciel montréalais depuis les Jeux olympiques de 1976. L'été dernier, on en recensait pas moins de 75 en action. Outre les chantiers institutionnels du CHUM et du CUSM qui mobilisent leur propre armada de grues, plusieurs autres chantiers de projets immobiliers ou d'immeubles de bureaux sont en action ou en voie de réalisation.

Selon la Commission de la construction du Québec, ce n'est pas moins de 188 chantiers immobiliers qui sont en cours de réalisation à Montréal, des projets de plus de 5 millions de dollars qui totalisent des investissements de 16,2 milliards.

Les nouveaux immeubles de condos forment l'essentiel des 98 projets résidentiels qui sont projetés ou déjà amorcés et qui représentent à eux seuls des investissements de 6,2 milliards.

Jeudi soir dernier vers 19 h, j'étais sidéré de voir le nombre de clients potentiels qui se trouvaient au bureau des ventes de la Tour des Canadiens, projet d'immeuble de 48 étages et de 534 appartements situé tout à côté du Centre Bell.

L'industrie des jeux vidéo continue d'attirer à Montréal de nouveaux studios, alors que certains qui y sont déjà implantés doivent recruter de la main-d'oeuvre à l'extérieur pour pouvoir combler leurs besoins.

L'industrie de la finance reste un pilier qui contribue encore beaucoup à l'économie montréalaise. L'essentiel des 100 000 emplois et des 3000 firmes financières que cette industrie recoupe dans le Grand Montréal est situé dans l'île.

Le secteur de l'aéronautique, qui est toujours tributaire des cycles particuliers de cette industrie, traverse actuellement une phase positive.

Malgré la fermeture l'an passé de l'entreprise d'entretien Aveos dont on attend la relance partielle dans les prochains mois , les entreprises du secteur profitent du lancement de la CSeries de Bombardier. D'importants donneurs d'ordres tels que le fabricant de simulateurs CAE enregistrent à bonne cadence de nouvelles commandes.

D'autres entreprises qui sont actives dans d'autres secteurs ne profitent peut-être pas de vents aussi favorables, mais, de façon générale, l'économie de Montréal se porte beaucoup mieux que l'administration dysfonctionnelle qui la chapeaute et qui devrait l'amener à sa pleine optimisation.

Depuis que le maire Drapeau a lancé son slogan, en 1983, Montréal a fait preuve d'une belle et courageuse résilience sur le plan économique. Cependant, la résilience ne doit pas être un état permanent, mais bien une étape transitoire. Il est temps que Montréal passe à la suivante.