Si on se fie à ce qu'on a vu et entendu à la première journée des audiences du CRTC qui se penchent sur l'acquisition d'Astral Media par Bell, on risque fort de ne pas s'ennuyer d'ici la fin de la semaine. Les surprises et les rebondissements devraient tenir les consommateurs que nous sommes en haleine. Comme un bon téléroman.

Après avoir entendu hier matin aux informations que Bell s'engageait à créer un service national de nouvelles en français si elle obtient l'autorisation d'absorber Astral Media, je me suis dit: eh bien voilà, Bell a décidé de sortir des lapins de son sac.

C'était avant même que je ne lise sur La Presse.ca le premier texte de compte rendu des audiences du matin de mon collègue Vincent Brousseau-Pouliot, où il expliquait que cet engagement-surprise de Bell avait eu l'air de hérisser au plus haut point le président du CRTC, Jean-Pierre Blais.

M. Blais a reproché textuellement à George Cope de sortir «des lapins de son chapeau» en arrivant avec deux nouveaux engagements - la création d'un service de nouvelles en français et la mise sur pied d'un service de télévision en ligne pour concurrencer la société américaine Netflix - qui ne figuraient pas dans la requête écrite de Bell au CRTC.

La réplique de M. Cope: la campagne de dénigrement médiatique «Dites non à Bell» qu'ont lancée ses concurrents Québecor et Cogeco, qui bat son plein depuis un mois maintenant l'a forcé à devancer le dévoilement de ces nouveaux engagements pour remettre le débat dans sa juste perspective.

Netflix est davantage la menace qui plane sur la télévision canadienne - anglophone et francophone - que ne peut l'être la taille de Bell, une fois l'acquisition d'Astral Media réalisée. Il faut de gros joueurs pour concurrencer les Américains, a fait valoir M. Cope.

Bell, qui s'était engagée à investir 80 millions en sept ans dans le développement de contenu télé et radio francophone, a dévoilé hier une enveloppe additionnelle de 41,3 millions sur sept ans qui servira à financer les deux nouveaux lapins qu'elle a sortis de son chapeau.

Les explications touchant l'allocation de ces 41,3 millions n'ont pas été claires, mais il faut souhaiter qu'il ne s'agit pas d'un partage 50-50 entre davantage de contenu francophone sur l'ensemble des plateformes et le financement d'un service national de nouvelles francophones.

Vingt millions de budget pour exploiter pendant sept ans une salle de nouvelles d'envergure nationale, ça ne ferait pas beaucoup de grosses nouvelles exclusives par année. On parle ici tout au plus d'un service de lecture de nouvelles. Des précisions sont nécessaires.

Il sera néanmoins intéressant de voir comment Québecor - le principal concurrent de Bell au Québec, qui doit livrer aujourd'hui son témoignage au CRTC - va réagir.

Si on se fie à la très large et répétitive diffusion de la campagne «Dites non à Bell» que Québecor a faite sur l'ensemble de ses plateformes médiatiques, on peut présumer que l'ennemi de Bell va dégainer prestement demain sa .22 pour venir à bout rapidement des nouveaux lapins de Bell.

Cela dit, il est tout de même ironique de voir sur la même tribune des groupes de défense des consommateurs et Québécor Média qui réclament l'annulation de l'acquisition d'Astral Media par Bell parce que cette transaction donnera à Bell une trop grande part du marché de la télévision canadienne.

Cette prédominance canadienne, équivalente à celle exercée par Québecor au Québec, permettra à Bell de contrôler le contenu et le contenant et d'augmenter les prix à sa guise, avancent Québecor et les groupes de consommateurs.

La prédominance de Québecor sur le marché québécois ne lui a pas permis jusqu'à maintenant de décréter unilatéralement des hausses de tarifs, mais de faire davantage la promotion de ses différentes plateformes que ses concurrents, et c'est exactement ce que veut faire Bell au Canada et au Québec.