Il s'agit là d'une question bien légitime que se posent chaque jour des dizaines de milliers d'automobilistes qui plongent le bec verseur de la pompe à essence dans le réservoir de leur voiture pour faire le plein de régulier. Un coup d'oeil au compteur leur fait rapidement réaliser que, une fois encore, ils n'auront droit à aucun rabais de leur pétrolière.

Depuis que le prix du baril de pétrole a atteint le 24 février dernier la marque ultime des 109,77$US - le sommet de son dernier cycle haussier - et s'est maintenu à ce niveau durant près d'un mois, le prix de l'or noir a amorcé un sérieux mouvement de repli qui l'a ramené sous la barre des 83$US vendredi dernier.

Mine de rien, cette contraction de prix qui s'est accélérée au cours des dernières semaines correspond à une baisse de 22% du prix du baril de light sweet crude oil en l'espace de deux mois.

Le pétrole Brent de la mer du Nord, celui qui alimente les raffineries du Nord-Est américain, a enregistré sensiblement la même variation de prix. Parti d'un sommet de 126$US, atteint au début de mars, il a chuté hier à 95,83$US avant de clôturer à 98,80$US. Il a accumulé une baisse de 21,5% en deux mois.

Les raisons qui expliquent ce mouvement de recul sont multiples et bien connues de tous. La fragilité de la situation économique européenne, dont les marchés et les médias répercutent quotidiennement chaque nouvel élément perturbateur, est un facteur important de la baisse des cours du pétrole.

La croissance mondiale est directement touchée par l'instabilité chronique et tenace de l'Europe, la Chine réduit sa cadence de production, les États-Unis peinent toujours à arrimer leur reprise sur des bases solides, bref on ne traverse pas une période de croissance économique évidente et cela impacte directement la demande d'énergie.

Ainsi, les États-Unis affichaient en mai les réserves de pétrole brut les plus élevées des 22 dernières années, un autre phénomène qui illustre combien on est loin d'une situation de pénurie qui favorise habituellement des prix élevés à la pompe.

Comment peut-on expliquer alors que les pétrolières maintiennent les prix de l'essence à leur niveau actuel alors que le prix de la matière première a reculé de 22%?

Hier, à Montréal, le litre de carburant régulier s'affichait à 1,38$ dans la plupart des stations-services. Un prix inférieur de 7% seulement par rapport à celui de 1,49$ que l'on observait lorsque le baril s'échangeait au-dessus des 100$US.

Si on recule un peu dans le temps, on se souviendra qu'en juillet 2008, lorsque les prix du brut fracassaient chaque jour de nouveaux records pour finalement atteindre un sommet de tous les temps à 148$US, le prix du litre d'essence avait lui aussi touché un seuil historique à 1,48$.

Durant cette flambée des prix du printemps et de l'été 2008, on observait une progression des prix du brut et de l'essence à la pompe qui était quasi symétrique, que ce soit à la hausse comme à la baisse.

Le prix du baril de pétrole chutait à 120$US, celui du litre d'essence retraitait alors à 1,20$. Cette corrélation a pris fin lorsque le prix du baril de brut a chuté sous les 50$US. À partir de ce moment, le prix du litre d'essence - soumis à quantité de taxes au Canada - s'est maintenu au-dessus des 80 cents.

Mais on a tout de même observé à Montréal en décembre 2008 - alors que la récession frappait avec toute sa virulence - un prix moyen de 73,9 cents le litre tout au long de la dernière semaine de l'année. Un genre de prix de Boxing Day, le dernier cadeau que nous ont fait les pétrolières.

Parce qu'elles se sont bien rattrapées depuis. Les prix records à la pompe, que l'on a enregistrés au cours des derniers mois, ne s'expliquent pas autrement que par une maximisation des marges bénéficiaires des pétrolières sur toutes leurs activités: extraction, raffinage, détail...

Les prix du pétrole chutent parce que l'activité économique ralentit, mais les prix au détail restent à peu près les mêmes, dans le très haut de leur fourchette historique, sans aucune justification rationnelle. Un simple coup d'oeil aux résultats financiers du deuxième trimestre de 2012 des grandes pétrolières va nous donner toute l'ampleur de leur formidable voracité. Vivement l'auto électrique!