La Caisse de dépôt et placement a commencé à s'intéresser au Brésil en 2006 par l'entremise de sa filiale immobilière Ivanhoe Cambridge. En six ans, la Caisse a accéléré de façon importante son implantation ici au point que ses actifs brésiliens sont ceux qui occupent la plus grande place de sa division des Marchés émergents.

Claude Sirois est vice-président principal, Marchés émergents, de la société Ivanhoe Cambridge, l'un des 10 plus importants investisseurs immobiliers au monde.

M. Sirois coordonne et gère la répartition des investissements que réalise la Caisse dans tous les pays qui affichent un potentiel de croissance supérieur à celui des pays industrialisés qui sont arrivés à maturité. On pense ici à plusieurs pays asiatiques, de même que la Russie ou l'Afrique du Sud.

«Il faut identifier les marchés qui présentent un potentiel de plus-value. Notre opération est simple, il faut optimiser la valeur de nos actifs et on a identifié le Brésil comme un marché extrêmement prometteur», résume le gestionnaire immobilier.

Au-delà de la tenue prochaine de la Coupe du monde de soccer en 2014 ou des Jeux olympiques en 2016, le Brésil est avant tout un pays riche et en forte croissance qui a connu une nouvelle impulsion à partir de 2003 sous la présidence socialiste de Lula da Silva.

Un meilleur partage de la richesse a permis d'accélérer la mise en place d'une classe moyenne qui, chaque jour, prend davantage d'ampleur.

Classe moyenne

«Il y a 200 millions d'habitants au Brésil. Il y a les gens de la classe A, les plus aisés qui sont 40 millions environ. Il y ceux de la classe D, les plus pauvres qui gagnent moins de 100$ par mois, ils sont 40 millions. Et il y a ceux des groupes B et C qui forment la classe moyenne. Ces 120 millions de Brésiliens sont les clients de nos centres d'achats», explique Claude Sirois.

Et des clients qui sont de plus en plus à la recherche de centres commerciaux parce que le Brésil en compte seulement 429 pour un bassin de 150 millions de consommateurs alors qu'on en recense 6000 au Canada pour un bassin de 33 millions de consommateurs.

Ivanhoe Cambridge, qui n'avait aucun actif au Brésil en 2006, possède aujourd'hui 10 centres commerciaux et la firme partage la propriété de 8 autres mails piétonniers. Les actifs brésiliens d'Ivanhoe se chiffrent aujourd'hui à plus de 1 milliard de dollars, soit près de la moitié de tous ses actifs des Marchés émergents.

En février, la Caisse a annoncé qu'elle allait investir 300 millions pour la construction de deux nouveaux centres commerciaux auxquels se grefferont des immeubles de bureaux.

«On a un achalandage incroyable avec des centres qui accueillent 40 000 ou 60 000 clients par jour et certains reçoivent jusqu'à 100 000 clients par jour, l'équivalent quotidien du Boxing Day chez nous», observe Claude Sirois.

Infrastructures

On comprend donc pourquoi la Caisse s'intéresse tant à cet immense marché en émergence et que sa présence ici pourrait même s'élargir par sa participation éventuelle au financement de projets d'infrastructures.

Selon Guillaume Légaré, directeur, Amérique du Sud, et Représentant en chef au Brésil de la Banque Nationale, la mise à jour des infrastructures brésiliennes est d'une urgente nécessité.

De 2007 à 2011, le gouvernement central a lancé un programme de rénovations des infrastructures urbaines de 657 milliards. Le Programme d'accélération de la croissance le PAC 1 a été suivi l'an dernier du PAC 2 qui prévoit des investissements de 358 milliards dans les infrastructures de transport, de santé et de logements sociaux en vue notamment de la tenue de la Coupe du monde et des Jeux olympiques à Rio.

«Ils font un effort, mais ça va prendre beaucoup plus d'investissements après les Jeux olympiques. Il y a beaucoup de travaux d'aqueducs, d'épuration des eaux et des sols à réaliser à Rio», souligne Guillaume Légaré.

C'est dans les infrastructures que les entreprises québécoises ont le plus à gagner, soit en mettant sur pied des coentreprises avec des partenaires brésiliens ou en soumissionnant sur des concours internationaux. Les entreprises des secteurs de la construction, du transport urbain, du tourisme et des technologies seraient les mieux positionnées pour profiter de l'eldorado brésilien.

«C'est plus facile d'entrer au pays en y établissant une filiale. Le marché des exportations est beaucoup plus difficile à percer parce qu'il y a encore beaucoup de barrières tarifaires», explique Guillaume Légaré.

Ce que confirme Claude Sirois.

«Dans le secteur du commerce de détail, la situation au Brésil est unique. Habituellement, dans les marchés émergents, les grandes marques internationales occupent 70% du marché comparativement à 30% aux locales. Ici, c'est l'inverse. Soixante-dix pour cent des commerces sont brésiliens. Les droits d'entrée de 17 ou 20% sur les produits étrangers découragent les chaînes internationales de s'implanter», observe Claude Sirois.

Le Brésil peut donc effectivement devenir un partenaire incontournable pour bien des entreprises québécoises à la condition qu'elles cherchent à s'y implanter et pas seulement à y vendre leurs produits.