Ainsi donc, le Commissaire au lobbyisme du Québec veut contraindre toutes les entreprises québécoises qui font affaire avec la Caisse de dépôt à s'inscrire au registre des lobbyistes. Pour une seule et simple raison: la loi, c'est la loi. Voilà un beau cas d'intégrisme technocratique qui n'aura d'autre effet que de rendre un peu plus kafkaïenne la vie des entreprises déjà solidement embourbées par la bureaucratie gouvernementale.

On ne sait trop si c'est le zèle excessif de quelques fonctionnaires québécois ou le résultat de la manifestation d'égo surdimensionnés de certains d'entre eux, mais la décision du bureau du Commissaire au lobbyisme est en soi sidérante.

Québec a décidé, à juste titre, d'instaurer un registre des lobbyistes pour s'assurer que toutes les entreprises qui cherchent à obtenir des avantages financiers du gouvernement soient clairement identifiées.

Il est tout à fait normal qu'une entreprise qui souhaite obtenir une subvention gouvernementale ou qui cherche à devenir le gestionnaire d'un nouvel amphithéâtre qui sera la propriété de l'État affiche ses couleurs et rende publiques ses intentions.

Mais de vouloir soumettre à la même démarche des centaines de PME qui, chaque année, sont en quête de financement auprès de la Caisse de dépôt révèle une profonde méconnaissance des activités de la Caisse ou une soif démesurée d'omniprésence du Commissaire au lobbyisme.

La Caisse de dépôt ne donne pas de subventions. Quand elle participe au montage financier d'une entreprise qui la sollicite, elle prend une participation au capital-actions de celle-ci.

Et pour avoir discuté avec de nombreux propriétaires de PME qui ont eu à négocier avec la Caisse, cette dernière à tendance à être beaucoup plus gourmande sur la part du gâteau qu'elle souhaite obtenir contre son financement que n'importe lequel des prêteurs usuels.

Bref, la Caisse n'est pas un organisme subventionnaire, c'est une banque d'investissement qui doit réaliser un rendement sur les placements qu'elle réalise. Les entreprises qui la sollicitent ne cherchent pas à obtenir une faveur, mais à trouver un partenaire d'affaires.

Les sociétés québécoises ont dû remplir en 2010 pas moins de 35 millions de formalités administratives pour se conformer à 557 exigences réglementaires distinctes et le Commissaire au lobbyisme veut en rajouter. Il y a des fonctionnaires qui ont visiblement besoin de prendre des vacances...

Kafka aurait aimé

Cette illustration du zèle parfois malsain des fonctionnaires n'est pas sans rappeler un dossier sur lequel je travaille depuis quelques semaines et dont je raconterai le dénouement dans une dizaine de jours.

Un important gestionnaire de fonds étrangers qui a été sollicité à trois reprises par les représentants du Centre financier international de Montréal pour qu'il vienne s'implanter chez nous a finalement décidé d'ouvrir son bureau dans la métropole, en septembre dernier.

Ce gestionnaire de renom, qui a aussi été invité par le premier ministre Jean Charest en personne à s'implanter à Montréal, se bute pourtant depuis six mois maintenant à des détails bureaucratiques d'une insignifiance consommée.

Aussi incongrus soient-ils, ces détails l'empêchent tout de même de lancer ses activités montréalaises et risquent même de les compromettre définitivement.

Ce n'est pas le Commissaire au lobbyisme qui est impliqué dans ce dossier, mais des fonctionnaires de l'Autorité des marchés financiers qui n'ont manifestement pas peur d'être tués par le ridicule.

Le gestionnaire en question doit prendre une décision dans les prochains jours s'il continue ou non ses démarches ou s'il plie bagage pour de bon. Je me ferai un plaisir de vous raconter une histoire que Kafka lui-même aurait eu peine à imaginer.