Maxime St-Pierre revient de loin. Il y a six mois, le receveur de l'organisation des Tigers de Detroit n'était même plus certain d'être un receveur, même plus certain d'être un joueur de baseball, en fait. Juste un gars de 27 ans avec un sérieux problème d'alcool et une carrière qui n'allait nulle part.

Après 10 ans dans les mineures, St-Pierre venait de toucher le fond. Libéré par les Tigers la saison précédente, il avait abouti dans l'organisation des Royals de Kansas City, puis chez les Brewers de Milwaukee, qui avaient tenté de le transformer en lanceur. Un échec. Fin juin 2007, il s'est retrouvé sans contrat.

L'ancien porte-couleurs des Orioles d'Ahuntsic est rentré chez lui, au Nouveau-Mexique. Et il a continué de faire ce qu'il faisait depuis l'âge de 21 ans: le party. Des équipes l'appelaient pour lui offrir du travail? Il ne les rappelait même pas, trop occupé à se payer du bon temps dans les bars, à grandes lampées de Sam Adams.

Jusqu'au 26 juillet. Le jour où il a décidé d'arrêter de boire. «Je me suis demandé ce que j'étais en train de faire avec ma vie, dit St-Pierre, joint au téléphone en Floride, vendredi. Je parlais toujours de moi. J'étais toujours le meilleur, j'avais toujours les meilleures histoires. Ma fiancée a fini par me dire: "Tu es qui pour dire ça?" Je me suis regardé dans le miroir et je me suis rendu compte que c'était vraiment grave, mon affaire.»

Grave? Assez pour que sa consommation d'alcool affecte son jeu, surtout au bâton. «J'apprenais quelque chose une journée, mais le soir, je m'en allais boire dans un bar ou tout seul chez nous. Et le lendemain, je ne me souvenais de rien de ce que j'avais appris.

«Défensivement, je n'ai jamais eu de problème, sauf à ma dernière année avec les Tigers. J'avais hâte que les matchs finissent pour aller boire. Ma priorité n'était plus le baseball et c'était comme ça depuis que j'avais 21 ou 22 ans.»

Pas cool

Originaire de Pintendre, près de Québec, St-Pierre ne parlait pas un mot d'anglais quand les Tigers l'ont repêché, en 1997. «Là d'où je venais, j'étais cool. Mais quand je suis arrivé aux États-Unis, à 17 ans, je ne l'étais plus. Les gens ne me comprenaient pas. Je me suis retrouvé tout seul.»

À force de regarder des sitcoms sous-titrées, il a amélioré son anglais. Et puis il a eu 21 ans. L'âge de sortir dans les bars. «Jusque-là, les gens riaient de mon accent. Mais dans les bars, les filles l'adoraient, mon accent. Et la bière me rendait plus relax. J'étais moins gêné de faire des erreurs.»

St-Pierre était toutefois incapable de se contenter d'une bière. «Je pouvais boire une bouteille de vodka par jour», dit-il. Ça ne l'a pas empêché de gravir lentement les échelons, jusqu'à se tailler une place dans la filiale AAÀ des Tigers, à Toledo, en 2006. Il n'y est resté qu'une saison. «Je n'ai pas perdu ma job de partant: je l'ai donnée! C'est là que j'ai commencé à comprendre que j'avais un problème.»

Il lui a tout de même fallu une autre année pour se prendre en main. Après s'être joint aux Alcooliques anonymes, il est rentré au Québec en octobre pour renouveler son visa américain. Il s'est installé chez sa mère, en Abitibi, et s'est trouvé du travail chez un fabricant de pompes pour les mines. «Je transportais du métal de 16 h à minuit tous les jours. Une vraie job sale. Quand j'arrivais chez nous, j'étais brûlé. La fin de semaine, j'avais juste envie de dormir. La tentation de boire n'était pas vraiment là. Plus ça avançait, plus j'étais fier.»

Tellement fier qu'en décembre, il a passé un coup de fil à Glenn Ezell, directeur du développement des joueurs des Tigers. En 2006, Ezell avait tenté sans succès de le convaincre de faire une cure de désintoxication. «Ezy est comme un père pour moi. Il m'a pris sous son aile. Je lui ai dit que s'il avait besoin d'un receveur, j'étais son homme. Il m'a rappelé pour me dire que David Dombrowski (le PDG des Tigers) était prêt à me faire signer un contrat.»

C'est ainsi que St-Pierre s'est retrouvé au camp des Tigers, à Lakeland. Vendredi, il a passé six manches derrière le marbre dans la victoire de 3-1 des Tigers contre les Blue Jays de Toronto, dans la Ligue des Pamplemousses. Il a guidé Justin Verlander, Nate Robertson et le meilleur espoir de l'organisation, Rick Porcello. «C'était la première fois de ma vie que j'étais dans la formation partante. J'ai callé une bonne game, contre des gars comme Frank Thomas, Vernon Wells et Scott Rolen», raconte St-Pierre, enthousiaste.

Il a aussi frappé un coup sûr en trois présences. «Depuis que j'ai arrêté de boire et que je m'entraîne, j'ai plus de puissance et je vois mieux la balle. Je comprends la mécanique de frapper. Je sais quoi faire. C'est plus clair pour moi.»

Il ne sait pas vraiment ce que l'avenir lui réserve si ce n'est que sa fiancée Amanda et lui attendent un enfant en juin. «Ça ne me dérange pas de commencer l'année dans le AA, ou même dans le À fort, avec l'espoir de gagner un job dans le AAÀ pendant l'année, dit-il. Je veux juste un job et l'occasion de faire mes preuves.»

Un jour à la fois.