Le passé est-il en train de se répéter?

Il y a six ans, le Canadien avait profité d'une performance exceptionnelle de son gardien pour écrire aux dépens des Bruins de Boston une page inédite de son histoire : pour la première fois en 95 ans d'existence, le CH avait réussi à gagner une série après avoir tiré de l'arrière 3-1.

José Théodore avait pourtant mal commencé la première ronde des séries de 2004. Il avait accordé quelques mauvais buts et s'était souvent montré hésitant, jetant des regards furtifs derrière lui pour s'assurer que la rondelle ne l'avait pas déjoué.

Mais dans le cinquième match, à Boston, l'ancien lauréat des trophées Hart et Vézina avait soudainement retrouvé l'aplomb qui lui avait permis d'éliminer à lui seul ces mêmes Bruins, deux ans plus tôt. Répondant à ses détracteurs, qui réclamaient Mathieu Garon, il avait arrêté 43 des 44 rondelles dirigées vers lui. Le Canadien avait battu les Bruins 5-1. Et la série avait basculé.

«La pointe insidieuse du doute» - le titre de ma chronique du surlendemain - avait commencé à chatouiller les côtes et à titiller la cervelle des joueurs des Bruins. Le Canadien avait gagné la sixième partie 5-2 à Montréal, avant de blanchir ses adversaires 2-0 dans le match décisif, grâce à deux buts de Richard Zednik.

Patrice Brisebois, qui patrouillait la ligne bleue du Canadien à l'époque, ne peut s'empêcher de voir des parallèles avec la vague sur laquelle le CH et Jaroslav Halak surfent depuis deux matchs dans leur série contre les Capitals de Washington.

«Ça me fait tellement penser à la série actuelle du Canadien, m'a-t-il dit au téléphone, hier. Nous étions vraiment les négligés. Nous étions les seuls à y croire. Le monde, les médias, personne ne nous donnait la moindre chance.»

Comme cette année, le septième match avait lieu sur la patinoire adverse. Mais rendu là, c'était sans importance. Le Canadien avait beau avoir fini septième dans l'Est en saison régulière, loin derrière les Bruins, il n'y avait plus d'avantage de la glace qui tenait. «On avait tellement de momentum qu'on savait qu'on pouvait gagner, que ce soit à Montréal ou à Boston. Et on avait gagné», a dit Brisebois.

La série avait été riche en péripéties. Rappelez-vous du moment d'égarement d'Alex Kovalev en deuxième prolongation, lors du quatrième match : cinglé au poignet, il avait carrément arrêté de jouer et était entré en collision avec Sheldon Souray, pendant que Glen Murray allait marquer le but de la victoire pour les Bruins. Un coup de massue. Pourtant, le CH s'était relevé. «En 2004, on avait une bonne gang de gars, a dit Brisebois. On y croyait et on était unis. C'est ça, le sport : quand 20 gars décident de jouer ensemble et de se donner au max, tu ne sais jamais ce que ça va donner.»

De quoi donner espoir aux partisans du Canadien. Car après un hiver fait de hauts et de bas, on sent qu'une véritable équipe est en train d'émerger du groupe de joueurs disparates assemblé l'été dernier par Bob Gainey. Une équipe unie, solidaire, qui observe à la lettre le plan de match de l'entraîneur. Avec des résultats probants.

«Je ne suis pas surpris, m'a dit un autre vétéran de la campagne de 2004, Joé Juneau. Le Canadien a dû composer avec beaucoup de blessures cette année, mais les joueurs sont tous revenus au bon moment.»

Mais on n'en sort pas : sans Halak, point de salut. N'eût été de ses arrêts sensationnels dans le sixième match, Washington aurait très bien pu marquer cinq ou six buts, bien assez pour gagner la série. «Mais le gardien de but fait partie de l'équipe, a noté Brisebois. En séries, tu as besoin d'un gardien qui te donne confiance. Toutes les équipes qui gagnent la Coupe ont un gardien comme ça.»

Vrai que sans les miracles d'un certain Patrick Roy, Brisebois n'aurait certainement pas de bague de la Coupe Stanley au doigt...

La faute à Boudreau

La faillite de l'attaque à cinq des Capitals - un but en 30 occasions jusqu'ici - sera assurément l'une des principales explications de leur échec, s'ils perdent la série. Une faillite dont la responsabilité incombe autant, sinon plus, à Bruce Boudreau qu'à ses joueurs.

L'avantage numérique est un sujet sur lequel l'entraîneur des Caps ne pèche pas par excès de modestie, voyez-vous. «La plupart des entraîneurs désignent un assistant pour s'occuper du jeu en supériorité et en infériorité numériques. Moi, j'insiste pour m'occuper des supériorités numériques, écrit-il dans Gabby, son autobiographie. Pendant 20 ans, ç'a été mon pain et mon beurre comme joueur. À part Wayne Gretzky, qui va être meilleur que moi là-dedans ? OK, Gretzky était peut-être meilleur que moi, mais ça ne veut pas dire qu'il en connaît plus long que moi sur le sujet.»

Vrai, les Caps ont eu la meilleure attaque à cinq de la LNH en saison régulière. Mais un autre ancien Canadien à qui j'ai parlé hier, Stéphane Quintal, s'explique mal certains choix stratégiques des Capitals. «Je ne mettrais pas Ovechkin au point d'appui. Comme défenseur, c'est dans l'enclave qu'il me fait peur. C'est là qu'il est dangereux, pas à la pointe. S'ils veulent le laisser deux minutes à la pointe, moi, je serais bien content !»

Photo: Robert Skinner, archives La Presse