Pratiquement tous les jours où je me suis pointé au bureau cet hiver, le chef de la division des sports est venu me voir, sourire en coin, pour me poser une question, toujours la même, que le Canadien joue ou soit en congé.

Pis, Price ou Halak?

C'est une manière de se moquer gentiment de l'obsession collective des fans du Canadien et des médias sportifs montréalais. Une bonne vieille controverse des gardiens, ça fait toujours jaser, même quand au fond, il n'y a pas grand-chose à dire.

Le Canadien a une chance rare, celle de compter sur deux bons jeunes gardiens. L'un, Jaroslav Halak, a saisi à bras-le-corps l'occasion qui s'est présentée cette saison et s'est installé jusqu'à nouvel ordre en haut de la hiérarchie du Canadien, en plus de briller aux Jeux olympiques. L'autre, Carey Price, n'a que 22 ans et possède un riche pedigree dans le junior et la Ligue américaine. Sauf qu'il ne gagne pas. Pas assez, en tout cas. Sa fiche de 13-19-5 n'impressionne guère par rapport à celle de Halak (23-11-3).

Certains amateurs n'ont pas aimé que Price critique l'effondrement de ses coéquipiers dans les dernières minutes de la défaite de 3-2 contre les Sabres de Buffalo, mercredi. Ce n'était certes pas très diplomate de sa part. Ceux qui croient que les joueurs du Canadien travaillent moins fort quand Price est devant le filet y trouveront certainement matière à alimenter leur paranoïa.

Reste que la réaction de Price était compréhensible. Le gars n'a pas joué depuis deux semaines, il réussit 40 arrêts, dont plusieurs spectaculaires, lors d'un match sur la patinoire d'une équipe mieux classée que la sienne et favorite pour l'emporter. Il fait tout ce qu'on attend de lui et même davantage. Mais le ciel lui tombe sur la tête une fois de plus. Il y a de quoi être fâché noir. Franchement, je serais plus inquiet s'il s'était contenté de hausser les épaules.

Price a sa part de défauts. Sa nonchalance lui a souvent nui. Mais ce n'est tout de même pas sa faute si le Canadien marque en moyenne 0,65 but de moins par match quand il joue. Une bonne partie de la différence entre la fiche perdante de Price et celle, gagnante, de Halak s'explique vraisemblablement par cette fraction de but que le CH ne lui donne pas.

Je ne voudrais pas être à la place de Pierre Gauthier le jour où il lui faudra décider lequel de ses deux gardiens il doit garder (un jour qui ne viendra pas nécessairement cet été, en passant). Halak a l'avantage pour le moment, mais Price a toujours le potentiel pour gagner un jour le trophée Vézina.

Les séries éliminatoires, auxquelles le Canadien est pratiquement assuré de participer, seront un test intéressant. Price a flanché dans le passé. Si Halak - qui devrait être le partant, à moins d'un improbable effondrement d'ici la fin de la saison régulière - brille, ses chances de rester à Montréal vont sûrement augmenter.

Sa valeur comme monnaie d'échange aussi, remarquez.

Price ou Halak? J'ai l'impression que mon boss n'a pas fini de me poser sa sempiternelle question.

Mieux vaut tard que jamais

La LNH et l'Association des joueurs ont finalement agi. Depuis hier soir, il est interdit de frapper un joueur à la tête, même avec l'épaule, si le coup provient de l'angle mort du joueur visé. Le nouveau règlement s'appliquera également pendant les séries.

Il est absurde que l'infraction ne soit toujours pas punissable par les arbitres en cours de partie. (Cela devrait venir l'année prochaine.) Mais au moins, le préfet de discipline Colin Campbell aura désormais les coudées franches pour sanctionner - lourdement, souhaitons-le - les joueurs qui appliquent des mises en échec dangereuses comme celles ayant envoyé David Booth et Marc Savard au pays des rêves, plus tôt cette saison. (Jaroslav Spacek, qui a ironiquement sorti le pauvre Booth du match hier soir, n'a pas à s'inquiéter: sa mise en échec, par-devant, était parfaitement légale.)

La nouvelle réglementation est entrée en vigueur après que le conseil de direction de l'Association des joueurs eut entériné le changement approuvé unanimement par le conseil des gouverneurs de la Ligue, mardi soir. La LNH trouvait que les joueurs tardaient à donner leur accord et menaçait de procéder unilatéralement. Plutôt culotté, quand on sait que les propriétaires ont fait la sourde oreille quand l'ancien directeur de l'Association, Paul Kelly, a abordé la question des coups à la tête, l'an dernier.

Reste que la LNH devait agir rapidement. Les lacunes de son livre des règlements et le laxisme dont a fait preuve Campbell dans l'interprétation de celui-ci au fil des ans ouvraient toute grande la porte à la répétition de gestes malheureux dont se sont fait une spécialité les Matt Cooke de ce monde.

Il y aura encore des coups illégaux à la tête dans la Ligue nationale de hockey. Après tout, ni la prison à vie, ni la peine de mort n'ont fait disparaître les meurtres. On ne peut légiférer contre la stupidité, ni contre l'irresponsabilité. Mais en interdisant les coups portés à la tête de joueurs sans défense, la LNH se donne finalement une chance d'atténuer l'impact du fléau des commotions cérébrales.

Il était plus que temps.

Photo: André Pichette, La Presse

Le Canadien a une chance rare, celle de compter sur deux bons jeunes gardiens: Carey Price et Jaroslav Halak.