On connaissait la malédiction de Sports Illustrated. Va-t-il falloir maintenant se méfier de celle de La Presse?

L'encre du portrait que j'ai consacré à Mike Cammalleri dans le journal de samedi était à peine sèche quand le meilleur franc-tireur du Canadien s'est blessé au genou droit dans la défaite de 3-2 contre les Sénateurs d'Ottawa. Rien qu'à entendre le ton de Martin McGuire et Dany Dubé à la radio, on devinait tout de suite que c'était sérieux.

Aussi sérieux, en fait, que les problèmes qui s'annoncent pour le Canadien de Montréal maintenant qu'il est privé de son plus prolifique buteur. Même s'il se confirme que Cammalleri sera de retour vers la mi-mars, il risque d'être trop tard pour sauver la saison du Canadien.

Le CH était très ordinaire même avec Mike Cammalleri. Il serait pour le moins étonnant que l'équipe profite de son absence prolongée pour se mettre subitement à gagner deux matchs sur trois, vraisemblablement le minimum requis pour accéder aux séries, compte tenu de la fiche actuelle du club.

Pensez-vous que la grande terreur offensive qu'est Matt D'Agostini, blanchi à ses 19 derniers matchs à Montréal - et trop grippé pour s'entraîner, hier - va soudainement se métamorphoser en marqueur de 30 buts parce que la blessure à Cammalleri lui a valu un rappel inespéré?

Pensez-vous que le trio numéro trois, celui des Moen, Metropolit et Lapierre, va miraculeusement découvrir la combinaison du coffre-fort - pardon, du filet - adverse? On comprendrait Jacques Martin d'en douter. L'entraîneur s'est d'ailleurs fait un malin plaisir, hier, de souligner que son puissant quatrième trio, formé d'un défenseur (Marc-André Bergeron) et de deux joueurs fraîchement rappelés de la Ligue américaine (Mathieu Darche et Ben Maxwell), avait éclipsé son troisième contre les Sénateurs d'Ottawa.

Dans le vestiaire du Canadien, hier, on s'accrochait aux lieux communs habituels. Les autres joueurs vont devoir hausser leur niveau de jeu. Les blessures ne sont pas une excuse. Il va falloir être plus constants et avoir une meilleure exécution. Pour ne citer que Brian Gionta.

Marc-André Bergeron a eu le mérite d'être plus imagé. «On n'est plus dans le pee-wee. Si on s'en allait au tournoi de Québec sans notre meilleur scoreur, on serait doublement mal. Mais dans la LNH, ce n'est pas l'histoire d'un seul gars.»

Vraiment? Pas moins de 22 des 26 buts de Cammalleri ont été marqués à forces égales. Ça représente 24% des 91 buts du Canadien à cinq contre cinq ou quatre contre quatre cette saison. Un but sur quatre!

Même si le Canadien a été malchanceux cette saison avec les multiples blessures qui ont affecté ses joueurs clés (Markov, Gionta, Andrei Kostitsyn et maintenant Cammalleri), une chose est restée constante: l'incapacité des joueurs de second plan d'en donner plus en l'absence des meilleurs (il y a du vrai dans certains clichés). Ça ne changera pas d'ici le mois d'avril et ça ne donnera certainement pas de Coupe Stanley si l'équipe, contre toute attente, se qualifie pour les séries. La dure réalité, c'est qu'il y a un trou béant dans l'attaque du Canadien et qu'il n'y a personne à Montréal, et encore moins à Hamilton, pour le combler.

Ça augure mal pour la suite des choses.

L'hyperactivité de Brian Burke, dimanche, en a poussé plusieurs à souhaiter que Bob Gainey l'imite.

La vérité, c'est que le grand ménage, Gainey l'a déjà fait l'été dernier, quand il a laissé partir la moitié de son équipe pour se lancer dans la séance de magasinage intensive qui a donné au Canadien Cammalleri, Scott Gomez, Brian Gionta, Hal Gill, Paul Mara, Jaroslav Spacek et, un peu plus tard, Bergeron. Gainey ne peut pas tout foutre en l'air six mois plus tard, à moins de vouloir prouver aux frères Molson qu'il s'est planté.

Pour autant, Gainey devrait tirer les leçons qui s'imposent à ce stade de la saison. À moins d'un revirement de situation improbable d'ici la pause olympique, il doit améliorer son équipe à long terme. Il doit être prêt à sacrifier un ou des vétérans solides - Roman Hamrlik, à qui il reste un an de contrat à 5,5 millions, est un exemple - si une équipe est prête à offrir de jeunes joueurs prometteurs ou des choix au repêchage en retour.

Au fil des ans, pendant que d'autres équipes touchaient le fond - pensez aux Penguins de Pittsburgh, aux Capitals de Washington, aux Blackhawks de Chicago -, le Canadien n'a jamais cessé de patauger pour rester ce qu'il est: une équipe ordinaire, qui surnage au-dessus de la médiocrité. Il est peut-être temps de se préparer à l'impensable. Prendre une grande inspiration. Et accepter de descendre pour mieux remonter.