Le gouvernement fédéral, les provinces et le secteur privé ont mis le paquet pour soutenir les athlètes canadiens en vue des Jeux de Vancouver. La question à 22 millions de dollars, maintenant: Ottawa laissera-t-il cet appui s'éteindre en même temps que la flamme olympique à la fin des Jeux?

Si rien n'est fait, le programme À nous le podium (ANP), créé en 2005 afin de propulser le Canada au premier rang du tableau des médailles à Vancouver, perdra à compter de mars 2010 40% de son financement annuel destiné aux sports d'hiver. Cela représente la part des provinces et des commanditaires rassemblés par le comité organisateur des Jeux de Vancouver.

Une délégation d'olympiens et de dirigeants du Comité olympique canadien s'est rendue à Ottawa, hier, pour plaider en faveur d'une injection de 22 millions dans le prochain budget fédéral. Objectif: maintenir le budget actuel d'ANP, qui finance une pléthore de mesures d'encadrement des athlètes de pointe.

Ces mesures - embauche d'entraîneurs ou de physiothérapeutes, financement de camps d'entraînement plus longs et plus nombreux, achat de matériel comme le système de matelas «sans bandes» de l'aréna Maurice-Richard, programme technologique Top Secret, etc. - ont donné des résultats probants au cours du cycle olympique qui s'achève.

La saison dernière, le Canada a remporté 29 médailles aux différents championnats du monde de sports d'hiver, devançant pour la première fois ses deux grands rivaux, l'Allemagne et les États-Unis (27 médailles chacun).

ANP a mis le paquet en 2009-2010 pour que ces résultats se répètent lors des Jeux. L'organisme a investi dans les sports d'hiver la somme record de 32 millions (les sports d'été reçoivent 34 millions). Cet investissement retombera à 13 millions l'an prochain si Ottawa n'intervient pas d'ici peu.

Les pressions s'accentuent sur le fédéral. Dans son rapport prébudgétaire déposé à la Chambre des communes mercredi, le comité permanent des Finances recommande que le financement d'À nous le podium soir renouvelé et accru. De même, des sources sûres ont confirmé que le panel d'experts du sport «2010 et au-delà», constitué à l'été par le ministre d'État au Sport Gary Lunn, a récemment remis un rapport qui préconise le maintien des initiatives mises en oeuvre pour les Jeux de Vancouver, dont ANP.

Il faut espérer que le gouvernement Harper, dont le prochain budget est attendu en février, au moment où la fièvre olympique atteindra son paroxysme, écoute cette recommandation et profite de l'occasion pour offrir aux athlètes canadiens un appui sans équivoque.

Agir autrement serait une grave erreur, estime le directeur général d'ANP, Roger Jackson, rencontré récemment à son bureau du Canada Olympic Park de Calgary.

«Si le gouvernement n'intervient pas, quelque 150 postes d'entraîneurs et de spécialistes en science du sport devront être abolis dans le secteur de la haute performance. Il faudra abandonner notre programme de recherche Top Secret, qui a donné d'excellents résultats. Il va falloir réduire dramatiquement les services de soutien aux athlètes comme la physiothérapie et la psychologie sportive. Plus important encore, on ne pourra plus soutenir que la moitié des 16 disciplines d'hiver, incluant les sports paralympiques, que nous appuyons présentement. Il faudra faire des choix et les sports qui sortiront perdants de l'exercice vont être de retour là où ils étaient en 2002. Ce serait triste, car le montant d'argent que nous réclamons est minime à l'échelle du budget fédéral», a dit Jackson, lui-même médaillé d'or en aviron aux Jeux de Tokyo, en 1964. Le fédéral devrait même aller plus loin. À nous le podium a dans ses cartons un autre projet qui mérite d'être appuyé: créer des instituts des sports à Vancouver, Calgary, Toronto et Montréal (dans les installations du Parc olympique). Inspirés de ce qui se fait dans des pays comme l'Australie ou la France, ces pôles d'excellence réuniraient athlètes, entraîneurs et spécialistes en tous genres: physiothérapeutes, nutritionnistes, psychologues, massothérapeutes, etc. «Ils contribueraient de manière significative au développement du sport local et provincial et seraient un atout majeur dans le développement de nos athlètes juniors, une énorme faiblesse du système actuel», estime Jackson.

Évidemment, tout ça a un prix. ANP l'évalue à 60 millions pour les quatre instituts, une facture qui pourrait toutefois être partagée avec les provinces et le secteur privé.

Beaucoup d'argent, vous dites? Peut-être. Mais c'est aussi une occasion unique de ne pas répéter les erreurs du passé. Et de s'assurer que l'engouement actuel pour les Jeux de Vancouver, plutôt que de s'évanouir sans laisser de trace durable, serve de pierre d'assise à un système sportif solide et bien structuré, qui permettra aux athlètes canadiens de s'illustrer durant les décennies à venir.