Il a souvent été de bon ton de critiquer la Ligue canadienne de football, de voir en elle un pâle succédané de la NFL, une ligue mineure à huit clubs où, chaque automne, le moins mauvais l'emporte. Allez dire ça aux milliers d'amateurs qui se sont massés sur les bords de la Catherine, hier midi, pour acclamer les Alouettes.

Les partisans qui ont signifié leur amour aux hommes de Marc Trestman savent bien qu'Anthony Calvillo n'est pas Peyton Manning et qu'Avon Cobourne ne concurrencera jamais Adrian Peterson. Ceux qui ont scandé «One more year!» à la place des Festivals pour réclamer le retour de Ben Cahoon comprennent que sans la LCF, la carrière de l'homme aux mains de Velcro, trop petit, pas assez rapide, aurait pris fin dès sa sortie des rangs universitaires.

Mais les amateurs se moquent bien de tout cela. Et ils ont bien raison.

J'ai eu le privilège d'être témoin de plusieurs grands moments de sport depuis que j'ai commencé à signer cette chronique, il y a six ans et des poussières. Je pense à la première victoire de Roger Federer à Wimbledon. Au 100 et au 200 stupéfiants (merci, Pierre) d'Usain Bolt aux Jeux olympiques de Pékin. À la médaille d'or de Clara Hughes dans le 5000 des JO de Turin.

Vous me permettrez d'ajouter la Coupe Grey 2009 à la liste. Les Oiseaux nous ont offert une pièce d'anthologie, dimanche soir, au stade McMahon de Calgary. La remontée qu'ils ont effectuée au quatrième quart, alors que tout espoir semblait perdu - ils tiraient de l'arrière par 16 points avec un peu moins de 11 minutes à écouler - était du grand théâtre sportif, un concentré d'émotions fortes et de performances extraordinaires sous pression: les passes précises de Calvillo, la défense qui empêche les Roughriders de la Saskatchewan de gagner un premier jeu alors que les Alouettes avaient désespérément besoin de reprendre le ballon une dernière fois, l'échappé de Brian Bratton récupéré par Étienne Boulay. Jusqu'à l'invraisemblable dénouement: Damon Duval, qui profite d'une deuxième chance inespérée et donne l'avance aux Alouettes pour la première fois du match, alors qu'il ne reste plus de temps à l'horloge.

Pour l'intensité dramatique, ça valait bien l'ultime poussée d'Eli Manning et des Giants de New York contre les Patriots de la Nouvelle-Angleterre lors du Super Bowl XLII, il y a deux ans. Même si ce n'était «que» la Ligue canadienne de football.

C'est la beauté du sport et particulièrement d'un sport d'équipe comme le football: le plaisir qu'il procure aux spectateurs ne dépend pas uniquement de la performance pure des athlètes. Il découle aussi en grande partie du suspense qui se construit sur le terrain, le temps d'un match ou d'une série.

Pendant mon séjour à Calgary, j'ai assisté à un match de l'équipe nationale de hockey féminin, qui affrontait une équipe midget AAA locale. Dans l'absolu, le niveau était plusieurs coches en bas de celui de la LNH. Ça n'a pas empêché la partie, qui s'est terminée par une victoire des filles en fusillade, d'être autrement plus palpitante que la gênante défaite du Canadien face aux Maple Leafs de Toronto, mardi.

Pareil pour la Coupe Vanier: les Golden Gaels de Queen's ont battu les Dinos de l'Université de Calgary de justesse (33-31), samedi, à Québec. Un véritable thriller. Je n'ai entendu personne se plaindre que le calibre était moins fort que dans la NCAA.

Ce que j'essaie de dire, c'est qu'au lieu de lever le nez sur la LCF, les snobs qui la dénigrent devraient la prendre pour ce qu'elle est. Une ligue différente, au jeu axé sur la passe, dont les particularités - le terrain immense, les trois essais et, mon préféré, le chrono qui s'arrête aux arrêts de jeu dans les trois dernières minutes - garantissent le plus souvent du football spectaculaire jusqu'à la dernière seconde de jeu.

Ce n'est pas la NFL? Pis après!