Les dieux du football ont finalement souri aux Alouettes.

Après presque une décennie de défaites crève-coeur, les Oiseaux ont réussi un exploit qu'on croyait impossible: remporter de nouveau la Coupe Grey. Et pas n'importe comment: en prenant l'avance pour la seule fois du match alors qu'il ne restait plus de temps au cadran. 

«C'est la destinée», a dit Anthony Calvillo sur le terrain du stade McMahon, quelques minutes après que les joueurs des Alouettes aient touché à la Coupe Grey pour la première fois en sept ans, sous un déluge de confettis. «La dernière victoire est toujours la meilleure, mais celle-ci plus que les autres.»

Avec cette deuxième conquête de la Coupe Grey, la première depuis 2002, les épaules de Calvillo et des autres vétérans des cinq finales infructueuses des Alouettes, Ben Cahoon, Bryan Chiu et Scott Flory, viennent de se décharger d'un énorme fardeau.

«Nous ne pouvions pas perdre celle-ci, c'est tellement vidant émotivement de perdre une finale de la Coupe Grey, a dit Bryan Chiu. Nous nous sommes promis que nous allions finir le match en force et nous l'avons fait.»

L'objectivité journalistique commande habituellement de rester de marbre dans la victoire comme dans la défaite. Mais il était difficile hier soir de réprimer un certain soulagement pour les joueurs des Alouettes, qui formaient cette année une équipe plus unie et mieux dirigée que jamais.

Une autre défaite aurait soulevé de nombreuses et délicates questions sur les leaders du club et sur la capacité de l'équipe de se montrer à la hauteur dans les grandes occasions. Quand Calvillo a pavé la voie au premier touché des Riders en échappant le ballon profondément dans le territoire des Alouettes, au premier quart, les manchettes commençaient déjà à s'écrire. Et elles ne promettaient pas d'être tendres.

Après les échecs de 2000, 2003, 2005, 2006 et 2008, les Alouettes auraient pu s'écraser après avoir entrepris la deuxième mi-temps avec un retard de deux touchés. Avec tellement de tristes précédents -la transformation de deux points ratée dans la dernière minute de la défaite de 28-26 contre les Lions, en 2000, ou encore la défaite en prolongation contre les Eskimos, il y a quatre ans- il aurait été facile de céder au découragement.

Mais ils ont fait fi de la foule hostile et n'ont jamais lâché, malgré les échappés maladroits, les bottés ratés et une transformation de deux points manquée avec moins de deux minutes à faire dans le match. Et ils ont fait de la 97e Coupe Grey un match dont on parlera autant que du fameux Ice Bowl de 1977, cette victoire de 41-6 dans la froidure du Stade olympique.

Propulsée par le jeu inspiré du joueur par excellence de la rencontre, Avon Cobourne, qui a explosé en deuxième demie et a terminé la rencontre avec 149 verges de gains, dont 85 verges au sol, l'attaque des Alouettes a finalement trouvé le moyen de percer la défense jusque-là étanche des Riders.

Calvillo a été magistral dans les 30 dernières minutes de jeu: il a réussi 15 de ses 20 passes, pour 198 verges. Il a fini la soirée avec 314 verges de gains par la voie des airs et deux passes de touché. Pas mal pour un supposé «choker».

Bien sûr, les Alouettes ont bénéficié d'un énorme coup de pouce des Roughriders. S'il regardait le match à la télé, Don Cherry a dû compatir avec l'entraîneur Ken Miller. Comme ses Bruins un certain soir du printemps de 1979, les Riders ont choisi le pire moment imaginable pour écoper d'une punition pour avoir eu un homme en trop sur le terrain.

Dans l'ascenseur qui conduisait les journalistes sur le terrain, un collègue a lancé: «Le pire joueur sur le terrain a donné la victoire aux Alouettes.»

Cruel, mais vrai. Avant de se transformer in extremis en héros, Damon Duval avait été un des zéros de la soirée, ratant deux bottés de dégagement en fin de première demie.

«Si nous avions perdu, j'aurais été le responsable, a reconnu Duval. Les Riders ont marqué six de leurs points à la suite de mes mauvais dégagements. Dieu merci, j'ai eu une deuxième chance», a dit le botteur, qui a enfilé un gant sur sa main droite en deuxième demie, pour éviter que le ballon ne lui glisse des doigts de nouveau.

«Toute l'année, notre dicton a été le même: 57 (minutes) plus trois, a ajouté Duval. Tant qu'il reste une seconde au cadran, nous ne nous avouons pas vaincus. Nous l'avons prouvé ce soir.»

Mine de rien, avec l'Impact et maintenant les Alouettes, Montréal a deux équipes championnes cette année, une première depuis 1977. Qu'attend donc le Canadien?