Régis Labeaume aurait voulu convaincre tout le monde que le Colisée de Québec est désuet et étriqué qu'il n'aurait pu mieux s'y prendre. Les dizaines de journalistes et invités venus écouter le maire, hier matin, se marchaient carrément sur les pieds dans le hall d'entrée trop étroit de l'ancien domicile des Nordiques.

Ceux qui espéraient contre toute logique la confirmation de la résurrection prochaine des Fleurdelisés en ont été pour leurs frais. Au contraire, en annonçant son désir de financer par des fonds entièrement publics la construction d'un nouvel amphithéâtre de 400 millions, le maire de Québec a pris bien soin de préciser que son projet est indépendant d'un possible retour de la Ligue nationale de hockey dans sa ville.

 

«Même si la LNH n'était pas du tout intéressée par Québec, nous voudrions quand même cet amphithéâtre. Ce n'est pas tributaire de la LNH. C'est un équipement moderne dont une ville nordique moderne a besoin», a-t-il dit.

M'est avis que si le maire veut réaliser son projet, il tient là sa meilleure carte. Car pour l'heure, les Nordiques 2.0 demeurent un rêve dont la concrétisation n'a rien d'assuré.

Bien malin qui prétendrait connaître les intentions réelles des dirigeants de la LNH, Gary Bettman et Bill Daly en tête. Après tout, leurs propos lénifiants des dernières semaines à propos de Québec, ils les ont déjà servis à Winnipeg, Las Vegas, Kansas City et ailleurs. Marcel Aubut, qui a rencontré récemment Bettman et Daly avec le maire Labeaume, a dit hier qu'un nouvel amphithéâtre rendrait «réalisable» le projet d'une franchise de la LNH à Québec. Il n'a pas dit que c'était garanti.

Bref, le hockey professionnel ne peut pas être le seul argument de vente du maire Labeaume. Ce serait attacher son wagon à une locomotive dont on n'est même pas sûr qu'elle ait un moteur.

Là où le maire marque des points, c'est en soulignant à quel point Québec, le Québec et tout l'est du Canada ont été les parents pauvres des investissements fédéraux dans les infrastructures sportives, au cours des 30 dernières années.

Pendant que Calgary et Vancouver se dotaient d'équipements extraordinaires à la faveur des Jeux olympiques, le Québec, où les dernières dépenses majeures remontent aux Jeux de Montréal, a vu son patrimoine sportif se détériorer.

Ce n'est pas un hasard si, par exemple, l'équipe nationale de patinage de vitesse longue piste, autrefois chasse gardée québécoise, est constituée aujourd'hui en grande majorité de patineurs originaires des autres provinces. Faute d'anneau couvert ici, le centre de gravité du sport s'est déplacé vers Calgary.

Présenté sous cet angle, un investissement fédéral massif - 175 millions, ce n'est quand même pas rien - pour remplacer une bâtisse vieille de 60 ans paraît un peu plus acceptable.

Quant au gouvernement provincial, qui a indiqué être ouvert à l'idée d'aller au-delà des 50 millions promis par Jean Charest lors de la dernière campagne électorale, il donne des signes d'être prêt à donner à Québec les atouts nécessaires à une éventuelle candidature olympique. Le Journal de Québec rapportait hier que le premier ministre s'apprête à créer un comité, présidé par l'homme d'affaires Claude Rousseau, dont le mandat sera d'identifier les besoins de Québec pour attirer des événements sportifs internationaux et, éventuellement, les Jeux d'hiver de 2022.

Un nouvel amphithéâtre sera sûrement en tête de la liste de ce comité. Car le Colisée ne convient déjà plus à la tenue d'événements comme les Championnats du monde de hockey, qui y ont connu un vif succès, l'an dernier. «On a été gâtés d'obtenir les championnats à coût modique, dit Jacques Tanguay, qui coprésidait le comité organisateur. Mais aujourd'hui, il faut garantir à la Fédération internationale des revenus de 10 millions pour un championnat du monde junior, alors qu'ici on a fait 3,5 millions! Pour ravoir ce genre d'événement, ça prend des infrastructures qui génèrent plus de revenus.»

Il est aussi vrai que le Colisée sera encore plus vieux, et plus cher à remplacer, dans 10, 15 ou 20 ans.

Reste qu'on est devant un projet dont les contours financiers, en dehors des coûts de construction avancés par SNC-Lavalin, demeurent flous.

Le maire suggère par exemple qu'une entreprise pourrait payer des dizaines de millions de dollars pour accoler son nom à l'édifice, comme Bell l'a fait pour le domicile du Canadien. Fort bien. Mais ce commanditaire hypothétique sera-t-il prêt à payer le fort prix si Québec ne parvient pas à obtenir une franchise dans la LNH?

De même, on espère qu'un nouvel amphithéâtre permettrait d'augmenter considérablement le nombre de jours d'occupation (158 par an présentement) par rapport au bâtiment actuel. Mais cette démonstration a-t-elle vraiment été faite? Pour citer les exemples donnés hier, U2, Madonna et Phil Collins (!) vont-ils vraiment débarquer à Québec parce qu'il y a un édifice neuf? Rien n'est moins sûr.

L'étude économique qui permettrait d'évaluer les revenus potentiels d'un nouvel amphithéâtre reste à faire. «On planche là-dessus», a dit le maire Labeaume. Les gouvernements auraient raison d'attendre les résultats avant de délier les cordons de leur bourse. Et surtout, ils auraient avantage, s'ils donnent le feu vert à la construction d'un nouveau Colisée aux frais des contribuables, à inscrire cette dépense majeure dans le cadre d'une stratégie cohérente pour faire de Québec une vraie capitale des sports d'hiver. Et, qui sait, une ville olympique.

LE PROJET DU MAIRE LABEAUME

Amphithéâtre multifonctionnel de 18000 places

Coût de construction:

environ 400 M$

Financement souhaité :

Fédéral > 175 M$

Provincial > 175 M$

Ville de Québec > 50 M$

Délai de construction : 3 ans.