Vous ne trouverez personne à la section des sports de La Presse qui souhaite plus ardemment que moi un retour de la LNH à Québec.

Je viens de Québec. Le plus beau souvenir sportif de mon enfance est le but de Dale Hunter qui a éliminé le Canadien au printemps de 1982. Le plus triste? Le but injustement refusé d'Alain Côté, évidemment.

J'ai appuyé mon club dans les belles années des frères Stastny comme dans les périodes sombres. Et il est difficile de faire plus sombre qu'une saison de 31 points. Bref, j'ai grandi avec un N rouge tatoué sur le coeur, qui porte encore la cicatrice laissée par le départ des Nordiques pour le Colorado, en 1995.

Mais j'ai beau être un nostalgique du fleurdelisé qui rêve tout haut d'une résurrection des Nordiques, je m'interroge.

En pleine campagne électorale, le maire Régis Labeaume se rend à New York en compagnie de Marcel Aubut pour rencontrer le commissaire de la LNH, Gary Bettman. Quelques jours plus tard, le bras droit de Bettman, Bill Daly, lance à la radio que SI Québec se dote d'un nouvel amphithéâtre, SI une franchise devient disponible et SI un acheteur sérieux se manifeste, la ville figurera au haut de la liste des villes considérées par la LNH.

Et ce matin, on s'attend à ce que le maire Labeaume dévoile en conférence de presse un projet d'amphithéâtre de 400 millions pour remplacer le vétuste Colisée. Selon le Journal de Québec, le maire demanderait une aide financière de 175 millions CHACUN aux gouvernements provincial et fédéral. Pour un total de 350 millions de dollars de fonds publics.

Rien que ça.

Ajoutez l'intérêt à peine dissimulé du grand patron de Québecor, Pierre Karl Péladeau, pour un club de hockey à Québec et le fait que plusieurs franchises américaines de la LNH en arrachent - Phoenix, Atlanta, Tampa Bay et les Islanders de New York, pour ne citer que quelques exemples - et tous les ingrédients d'un retour imminent de la Ligue nationale sont apparemment réunis.

De grâce, calmons-nous.

Les déclarations de Daly n'ont rien de nouveau. Il ressort la même cassette chaque fois qu'un journaliste de Kansas City, Winnipeg ou Québec lui passe un coup de fil. Pas plus tard que la semaine dernière, il a dit au National Post que «dans les circonstances appropriées, (la LNH) serait certainement intéressée à explorer l'idée de redonner une franchise à Winnipeg».

Il est dans l'intérêt de la LNH de stimuler l'intérêt des villes qui aspirent à joindre ses rangs, parce qu'elle aide ainsi ses canards boiteux dans leurs négociations avec les pouvoirs publics locaux.

Au cours des dernières années, Jim Balsillie a essayé d'acheter les Penguins de Pittsburgh, puis les Predators de Nashville, dans le but de les déménager à Hamilton. Il a échoué, mais les Penguins ont obtenu un financement public pour la construction de leur nouvel aréna, tandis que les Predators ont pu renégocier de façon avantageuse leur bail. En plein le genre de marché que souhaitent présentement obtenir les Islanders de New York et dont rêvent les acheteurs potentiels des Coyotes de Phoenix.

Un hasard, sûrement.

Je ne suis par ailleurs pas sûr de comprendre ce qui a changé depuis le départ des Nordiques. L'équipe avait une masse salariale de 12 millions et attirait une moyenne de 14 000 spectateurs par match, mais elle perdait quand même de l'argent. Pourrait-elle ajourd'hui payer des salaires de 40 à 50 millions dans une agglomération certes plus riche, mais qui serait toujours de loin la plus petite de la LNH? Pourrait-elle par exemple vendre 80 ou 90 loges corporatives à plus de 100 000$ pièce?

Le maire Labeaume lui-même semble en douter. «J'ai essayé de dresser la liste de compagnies qui pourraient embarquer il y a quelques mois avec un ami. Il n'y avait pas beaucoup de compagnies. Pas assez selon moi...» disait-il il y a un an à mon collègue Vincent Brousseau-Pouliot. «Québec n'a jamais eu de problèmes économiques, mais ce n'est pas une ville de riches. Seize mille dollars pour une paire de billets de saison comme au Centre Bell, c'est de l'argent. Les compagnies perdent connaissance quand tu leur demandes 5000$...»

Et c'est sans parler de ce qui se passerait si le huard replongeait vers les profondeurs abyssales d'il y a sept ou huit ans.

Évidemment, si Pierre Karl Péladeau (à propos de qui la rumeur non confirmée veut qu'il assiste à la conférence de presse du maire) est prêt à perdre de l'argent avec un club de hockey parce que ça en ferait gagner encore plus à Vidéotron et à TVA, c'est une autre histoire.

Mais on se demande malgré tout comment les gouvernements pourraient justifier que la construction d'un nouvel aréna à Québec, si obsolète que soit le Colisée, soit financée presque entièrement à même des fonds publics. Aux dernières nouvelles, le fédéral se dirige vers un déficit de 50 milliards cette année. Le budget québécois sera aussi écrit à l'encre rouge, forçant le gouvernement Charest à envisager des hausses de tarifs.

Non, s'il y un projet qui mérite d'être réalisé en partenariat public-privé, c'est bien celui que caresse le maire Labeaume.